COP28: six questions pour comprendre la conférence climat de Dubaï

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Au terme d’une nouvelle année de chaleurs record et d’événements climatiques extrêmes, près de 200 pays et des milliers de personnes se retrouvent aux Emirats arabes unis pour tenter d’opposer une réponse universelle à un problème tout aussi mondial. Comment fonctionne une conférence climat de l’ONU ? En quoi celle-ci se distingue-t-elle ? COP28, mode d’emploi.

La 28e Conférence des Parties (Conférence of the Parties, COP) de l’ONU sur le climat se déroule cette année à Dubaï, l’un des sept Émirats arabes unis. Mais elle se tient dans l’enceinte de l’Expo City qui sera administrée pendant toute la durée par les règles de l’ONU. Ainsi, il y est par exemple autorisé de manifester, alors que cela est proscrit dans le pays. C’était également le cas l’année dernière à Charm el-Cheikh (Égypte), ce sera à nouveau le cas cette année de l’autre côté du désert d’Arabie.

La COP rassemble 198 Parties : 197 États plus l’Union européenne, c’est-à-dire presque tous les pays de la planète. Les pays ne négocient pas individuellement mais par groupe. Il y en a huit principaux (groupe Afrique, Union européenne, Petits Etats insulaires, groupe des pays les moins avancés ou encore le groupe des États latino-américains). Beaucoup de pays en voie de développement sont également membre d’un super-groupe, le G77+Chine qui compte 135 pays et la Chine. L’appartenance à un groupe d’intérêts voisins permet de peser davantage dans les salles de négociations.

Après la cérémonie d’ouverture ce jeudi (diffusée ici en direct), la COP commence véritablement ce vendredi 1er et samedi 2 décembre par un sommet de chefs d’États et de gouvernements. Puis elle se poursuit du 3 au 10 par huit journées thématiques : santé, finance, énergie, transport, océan, forêts… Les 11 et 12 décembre sont réservés aux négociations finales, qui jouent généralement les prolongations sur un ou deux jours. À l’issue de ce marathon diplomatique ressort au minimum une déclaration finale. Mais cette COP est charnière : sept ans après Paris, dont elle doit dresser le bilan, et sept ans avant l’horizon fatidique des stratégies climat de 2030. Dans ce contexte, un véritable texte décisionnel est fortement espéré, notamment sur les énergies, fossiles et renouvelables, et sur un déblocage de la finance climatique, publique et privée.

La fourchette de chiffres en circulation donne entre 70 000 et 97 000 (AFP) personnes accréditées. On se dirige quoi qu’il en soit vers un record absolu, loin devant la COP26 (38 457 accréditations) et la COP27 (33,449). L’intérêt politique et médiatique de ces COP épouserait-elle la clourbe du réchauffement et ses corollaires ?

Les conférences climat de l’ONU enregistrent de plus en plus de participants chaque année. © CarbonBrief

Toutes celles qui ne font pas partie d’une délégation étatique sont affiliées dans l’un des neufs groupes constituants de la Convention-Cadre de l’ONU sur les changements climatiques (CCNUCC), qui organise les COP, parmi lesquels ONG, jeunesse, femmes, peuples autochtones, entreprises, scientifiques, agriculteurs, syndicats… Certains sont accrédités comme observateurs et ont ainsi accès aux négociations.

4200 médias ont reçu leur accréditation à 16h le 30 novembre, et près de 5400 len ont demandé une. Là encore la statistique pourrait être inédite, mais ne pourra pas dépasser pas le plafond d’accueil de 5000 accréditations.

Quelles personnalités présentes au sommet ? 

Ces vendredi et samedi, les dirigeants seront plus de 140 à se succéder à la tribune pour dénoncer un monde en surchauffe et répéter que le temps de l’action est venu. Moins de vingt-quatre heures après avoir confirmé sa présence, le pape Francois a finalement décommandé sa venue sur le conseil de ses médecins. Plus surprenant, Joe Biden a lui aussi renoncé à faire le voyage, sans raison officielle avancée par la Maison Blanche. Une absence perçue comme un mauvais signe, alors qu’il s’était déplacé aux COP écossaise et égyptienne. Il sera représenté par sa vice-présidente Kamala Harris et son envoyé spécial pour le climat, John Kerry, vieux routard des négociations climatiques. Pour Jean-Daniel Collomb, spécialiste de la politique climatique américaine et professeur à l’Université Grenoble-Alpes, la conjoncture économique américaine n’est pas favorable : « L’administration Biden essaie de faire plusieurs choses en même temps. Elle essaie de décarboner l’économie des États-Unis, donc elle investit dans les renouvelables. Elle veut relancer l’industrie du nucléaire civil. Elle veut électrifier la mobilité aux États-Unis. Et en même temps, cette administration Biden veut limiter l’inflation, elle veut préserver la croissance et l’emploi. Pour éviter que l’inflation ne s’accélère, cette administration a essayé de faire augmenter la quantité de pétrole disponible pour les consommateurs américains. Mais on n’assiste pas du tout à une transition énergétique, on assiste plutôt à un empilement des sources d’énergie, c’est-à-dire qu’on a plus de moyens de décarboner, mais pour l’instant, on ne sort pas des fossiles. » Avec les élections présidentielles qui approchent à grands pas, et deux conflits majeurs en cours, l’écologie n’a peut-être pas fait le poids dans les priorités de Washington.

À 75 ans, le roi Charles III, dont les convictions environnementales sont connues de longue date mais à relativiser, prononcera le discours d’ouverture vendredi. Parmi les autres voix fortes de ces deux journées, celles du secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres, jamais en reste de phrases choc, de la Barbadienne Mia Mottley, devenue une figure de proue politique en l’espace de trois COP, mais de aussi ses homologues des petits États insulaires du Pacifique (Tuvalu, Marshall…) attaqués par la montée des eaux et les cyclones plus fréquents et plus violents.

Le président brésilien Lula Da Silva est un autre visage star de cette COP. Il avait effectué un retour triomphal l’an dernier à Charm el-Cheikh après l’ère écocidaire de Jair Bolsonaro. Il viendra proposer la création d’un fonds destiné à préserver les forêts tropicales dans quelque 80 pays. Il pourra mettre le bilan de ses dix premiers mois de son troisième mandat : la surface déboisée dans la plus grande forêt tropicale de la planète, dont la sauvegarde est cruciale pour la lutte contre le réchauffement climatique, a été pratiquement réduite de moitié par rapport à la même période de l’an dernier. Il devrait également rencontrer Emmanuel Macron, qui a prévu de rester deux jours à Dubaï.

Après son allocution devant ses homologues, samedi matin, le président français mènera plusieurs rencontres bilatérales, dont probablement une avec son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky ; il présidera aussi un événement sur la sortie du charbon ainsi que sur le nucléaire civil. La France et cinq autres pays (dont Royaume-Uni et États-Unis) espèrent engager une quarantaine de pays à appeler à tripler les capacités de production nucléaire d’ici 2050.

Le président israélien Isaac Herzog et le chef de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas pourraient se croiser car ils sont inscrits pour s’exprimer à quelques minutes d’intervalle vendredi. Malgré la trêve, repoussée à vendredi, la guerre à Gaza planera sur le sommet climat, de moins en moins hermétique aux déflagrations du monde.

D’autres visages arpenteront le site de l’Exposition universelle 2020. Parmi eux, le milliardaire philanthrope Bill Gates. En 2022, lors de la COP27, sa fondation a annoncé qu’elle allait verser 1,4 milliard de dollars (1,3 milliard d’euros) à des petits agriculteurs en Afrique et en Asie.

Quels seront les points clés ?

Nous avons décrypté ici trois enjeux majeurs de négociations : le Bilan mondial, l’avenir des énergies fossiles, le financement du combat à travers ses trois piliers : atténuation (le mieux enclenché), adaptation et réparations des pertes et dommages.

Imbriqués dans ces grands thèmes, des sujets importants vont ressurgir. Parmi eux, le méthane, gaz à effets de serre 80 fois plus puissant que le CO2 sur 100 ans et qui représente 16% des gaz relâchés. 60% de ses émissions sont d’origines humaines (activité énergétique, agriculture, déchets). La Chine et les États-Unis ont conclu un accord visant à leur réduction, sans plus de détails.

Côté financement, la France et le Kenya devaient promouvoir une task force en faveur d’une taxation internationale sur le fuel lourd pour les transporteurs maritimes sur le principe des pollueurs-payeurs.

On pourrait également apprendre que les 100 milliards de dollars promis en 2009 pour 2020 ont été réunis en 2022, avec deux ans de retard.

Enfin, pour la première fois en 28 ans, une journée est consacrée à la santé, ce sera le 3 décembre,

► À quoi faut-il s’attendre ?

« C’est la COP la plus importante depuis Paris », a déclaré le chef de l’ONU Climat, Simon Stiell, mercredi 29 novembre. « Nous avançons aujourd’hui à petits pas, alors qu’on attend des pas de géants. »

La première grande décision de la COP28 pourrait intervenir dès ce jeudi, avec l’adoption en séance plénière de la mise en œuvre du nouveau fonds pour compenser les pertes et dommages des catastrophes climatiques dans les pays vulnérables. Cette adoption dès le premier jour permettrait aux délégués de se concentrer sur les autres batailles à l’ordre du jour, à commencer par les énergies fossiles. Mais son financement reste LE point de friction. Qui doit y contribuer et à qui doit-il bénéficier ? Ces deux questions n’ont pu être tranchées au cours des 5 réunions préparatoires durant l’année entre 24 États membres. Il est présomptueux d’imaginer qu’elles le seront en deux semaines entre 200 États.

La France pour sa part presse ses partenaires à un « sursaut solidaire » au profit « des plus vulnérables » et souhaite pour cela « élargir la base des donateurs au-delà des seuls pays développés ». Une formule qui vise principalement la Chine, 2e puissance économique mais qui se considère encore en développement, et les riches pays pétroliers qui n’envisagent pas de programmer la fin des ressources qui les font vivre.

Dans les jours qui suivront, des avancées concrètes sont pressenties sur le déploiement massif des énergies renouvelables : la feuille de route de la COP prévoit leur triplement d’ici 2030. Bon nombre de pays sont engagés sur cette voie et, fait rare, cette stratégie fait l’objet d’un consensus large. Les Émirats, organisateurs et à la pointe dans ce secteur, comptent bien engranger une victoire sur ce point pour sauver les meubles car un fiasco le 12 décembre n’est pas écarté.

Simon Stiell prévenait hier : « lorsque les leaders auront quitté Dubaï après le sommet, la consigne pour leurs négociateurs doit être très claire : ne revenez pas à la maison sans un véritable accord. »

Pourquoi cette COP suscite-t-elle la polémique ?

La COP28 est présidée par Sultan Al-Jaber qui est également le dirigeant de la compagnie nationale pétrolière, la 12e du monde. L’évident risque de conflit d’intérêts n’a cessé d’être dénoncé depuis sa nomination et les craintes ont été confirmées il y a trois jours par une enquête journalistique – démentie par le patron de la COP28.

Au-delà du cas de la présidence, la crainte est grande de voir celle qui est unanimement considérée comme la « COP des fossiles » confisquée par les lobbys du secteur hydrocarbures, attendus très nombreux. Or, c’est la sortie de ces combustibles qui sera réclamée pendant deux semaines par de nombreux États et les sociétés civiles.

Avec RFI

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