Trop souvent perçues comme un domaine réservé aux technocrates et truffé de jargon incompréhensible, les finances publiques demeurent pourtant au cœur de la vie citoyenne. Pour Boubacar Camara, expert en finances publiques et en gestion budgétaire, il est urgent de briser cette barrière. Dans un entretien accordé à notre rédaction, il décrypte les mécanismes de gestion des ressources de l’État et invite les Guinéens à s’y intéresser.
« Les finances publiques, ce n’est pas du charabia »
Dans son bureau encombré de rapports budgétaires et de textes législatifs, Boubacar Camara commence par poser les bases : « La Constitution et la Loi Organique relative aux Lois de Finances (LOLF) ne sont pas là pour faire joli. Elles fixent des règles claires de transparence, d’équilibre budgétaire et de contrôle. Sans elles, il serait impossible de suivre l’argent public. »
Il insiste sur le rôle de chacun dans cette architecture complexe mais essentielle : le ministère de l’Économie et des Finances pilote la politique budgétaire, la Direction nationale du Budget prépare et suit l’exécution, tandis que les régies financières (Impôts, Douanes, Trésor) mobilisent les recettes. La Cour des comptes, l’Inspection générale des finances et l’Assemblée nationale – ou le Conseil National de la Transition (CNT) – assurent les contrôles.
Un budget d’État, comme celui d’une famille
Pour rendre le sujet accessible, l’expert propose une analogie simple : « Imaginez une famille avec plusieurs sources de revenus : salaire, location, dons. L’État fonctionne pareillement. Ses recettes proviennent des impôts, des taxes, des droits de douane, de l’exploitation minière, et parfois de l’aide internationale. »
Ces ressources permettent à l’État de financer ses missions : payer les salaires des fonctionnaires, construire des infrastructures, assurer les services de santé, d’éducation, ou encore rembourser la dette.
Un cycle budgétaire strict
Chaque franc dépensé par l’État suit un processus rigoureux : élaboration par le gouvernement, adoption par le CNT ou l’Assemblée nationale, exécution par les ministères concernés, puis contrôle par les institutions compétentes.
« C’est comme dans un foyer où chaque dépense est prévue, validée et contrôlée. Cette rigueur garantit une meilleure gestion des deniers publics », explique M. Camara.
Des défis persistants pour la Guinée
Toutefois, la Guinée doit faire face à des défis structurels majeurs. D’abord, une forte dépendance au secteur minier rend les recettes budgétaires vulnérables aux fluctuations des prix sur le marché international. Ensuite, la pression fiscale reste faible, limitant les ressources internes.
Enfin, la gouvernance budgétaire est encore marquée par des insuffisances : « La transparence et la lutte contre la corruption doivent devenir des priorités. On ne peut parler d’efficacité budgétaire sans confiance des citoyens. »
Mais des signaux positifs émergent. Selon lui, la digitalisation des services fiscaux et du Trésor public contribue déjà à moderniser la gestion et à sécuriser les recettes.
Un appel à la vigilance citoyenne
Face à la complexité apparente du sujet, Boubacar Camara rassure : « Tout citoyen peut suivre l’argent public. Il suffit de s’informer. La Loi de finances, les rapports de la Cour des comptes, les statistiques de la Banque centrale ou du FMI sont accessibles. »
Il estime que la compréhension des finances publiques est un levier essentiel pour renforcer la gouvernance démocratique : « Savoir où va l’argent des Guinéens, c’est exercer un droit. C’est aussi poser les bonnes questions, exiger des comptes et contribuer à l’amélioration des politiques publiques. »
Conclusion
Pour Boubacar Camara, l’heure est à la pédagogie et à l’engagement citoyen. Comprendre les finances publiques ne doit plus être un luxe réservé aux spécialistes. « Lorsque les citoyens comprennent les règles du jeu budgétaire, ils deviennent des acteurs à part entière de la démocratie. »
Rédaction