Éboulement de Manéah : les propositions de solution du géologue Mamady Kadé Camara (entretien)

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Un éboulement meurtrier a frappé la localité de Manéah, dans la préfecture de Coyah, causant plusieurs morts, de nombreux blessés et d’importants dégâts matériels. Pour mieux comprendre les origines de ce drame et envisager des solutions durables, nous avons rencontré le géologue Mamady Kadé Camara, qui livre ici ses analyses et recommandations.

Que s’est-il passé à Manéah ?

Mamady Kadé Camara :

L’éboulement de Manéah est la conséquence d’une instabilité ancienne du terrain. La zone repose sur des roches métamorphiques recouvertes d’une couche de latérite fragile. Sous l’effet des pluies diluviennes, de l’infiltration d’eau et de l’érosion, le sol a perdu sa cohésion. Des fissures étaient déjà présentes, et les pentes raides, combinées à l’exploitation artisanale et aux constructions anarchiques, ont aggravé la situation.

Peut-on dire que ce drame était prévisible ?

Mamady Kadé Camara :

Oui, malheureusement. Les signes étaient visibles : fissures, mauvais drainage, déblais instables. La fragilité géologique de la zone est bien connue. Ce n’est pas uniquement la nature qui est en cause : les activités humaines — déboisement, exploitation artisanale de carrières — ont considérablement affaibli le site.

Quels sont les facteurs déclencheurs immédiats de l’éboulement ?

Mamady Kadé Camara :

Les orages tropicaux, les variations brutales d’humidité entre les saisons et même certaines vibrations dues aux travaux environnants peuvent en être les déclencheurs. L’infiltration d’eau de pluie augmente le poids des matériaux et diminue leur résistance au cisaillement. L’eau lessive les particules fines entre les roches, créant ainsi des cavités et une instabilité du sol.
Le mauvais drainage favorise également l’accumulation d’eau au pied des talus, surtout dans les zones de construction routière ou résidentielle, ce qui réduit la stabilité de l’ensemble.

Quelles sont les conséquences pour les habitants de Manéah ?

Mamady Kadé Camara :

Le plus dramatique, ce sont bien sûr les pertes en vies humaines. Mais il faut aussi noter la destruction de maisons, la perte des moyens de subsistance et l’aggravation de la vulnérabilité des communautés locales. Cet éboulement marquera durablement les habitants de Manéah.

Vous avez parlé d’une recommandation forte : que proposez-vous ?

Mamady Kadé Camara :

Après une telle catastrophe, il serait dangereux et irresponsable de permettre la réoccupation du site. Les fouilles se poursuivent, mais dans quelques jours, on ne retrouvera probablement que des corps en décomposition.
Je propose que l’État ferme définitivement cette zone. Mieux encore : il faut y bâtir un mémorial, en faire un cimetière historique en hommage aux victimes.
Ainsi, au lieu de reconstruire sur un sol instable, on préservera la mémoire des disparus tout en évitant de nouveaux drames. Un mur de soutènement devrait également être construit le long du flanc de la colline.

Et pour prévenir d’autres éboulements ailleurs en Guinée ?

Mamady Kadé Camara :

Il faut agir rapidement et sérieusement. Les mesures prioritaires sont :

  • Renforcer les systèmes de drainage ;
  • Interdire les constructions dans les zones à risque ;
  • Contrôler l’exploitation des carrières ;
  • Reboiser les talus fragiles ;
  • Sensibiliser les populations.

Par ailleurs, pour tout projet de construction (routes, habitations, etc.), l’État doit exiger un permis de construire accompagné d’une étude de sol, notamment des analyses géotechniques et géochimiques.

Pour finir, quel message adressez-vous aux citoyens de Manéah ?

Mamady Kadé Camara :

On ne lutte pas contre la nature par l’imprudence. On la respecte et on s’y adapte.
L’éboulement de Manéah doit servir de leçon et de tournant. Entre la mémoire des disparus et la prévention des catastrophes, l’État et les citoyens ont désormais une responsabilité historique.

 

 

 

Il faut retenir que les éboulements dans les zones à sols latéritiques surviennent surtout à cause de l’infiltration d’eau et du manque de cohésion de la latérite altérée, aggravés par les pentes raides et les activités humaines.

Propos recueillis par Mohamed L. Dramé

 

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