Guinée: mes inquiétudes, mes interrogations au peuple, aux gouvernants et aux gouvernés (par Abbé Paul Tamba Kamano).

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Ma constante préoccupation de mettre en honneur la justice sociale, préconisant la radicale égalité de tous les citoyens guinéens dans leurs droits fondamentaux, par-delà les particularités religieuses, socio-culturelles, ethniques et politiques suscite en moi ces inquiétudes, cette peur et ces interrogations à la veille des élections présidentielles du 18 octobre en Guinée :

À quand l’instauration d’un État de droit en Guinée? À quand l’avènement de la Démocratie? De qui nous viendra le salut?

En effet, face aux dérives de la société guinéenne, face à la déshumanisation des institutions et à la violation répétée des droits inaliénables de la dignité humaine et le non respect du principe de la laïcité de l’État, mon cœur saigne, j’ai honte de l’élite de mon pays, je suis inquiet et je demande au Maître du Temps et de l’Histoire de doter la Guinée d’un État de droit.

D’un point de vue juridico-moral, un État de droit, est un État qui s’engage dans la promotion des valeurs démocratiques et la défense des droits humains.

Cette défense des droits exige le respect et l’application de la loi éclairée par la lumière de la conscience, de manière impartiale et juste. C’est seulement au prix de ce respect strict de la loi par les gouvernants et les gouvernés que peuvent être garanties la bonne gestion du bien commun et la sécurité de tous les citoyens.

Cette pédagogie exige la liberté et l’égalité qui sont des valeurs importantes pour la restauration d’une véritable Démocratie et d’un État de droit digne de nom.L’absence de ces valeurs dans un pays compromet la stabilité politique et sociale et hypothèque le potentiel humain et économique.

Cela engendre inévitablement la corruption, l’impunité, les violences contre les minorités et ouvre la porte aux déviances de tous genres. Ces excès sont révélateurs de la crise morale qui a pour conséquence la perte ou la négligence des valeurs fondatrices de l’équilibre individuel, social et cosmique.

On peut donc dire que dans un État de droit, les principes fondamentaux de la dignité de la personne humaine, de la liberté de conscience et de pratiquer sa religion, de la liberté d’expression et de l’égalité sont sécurisés.

La religion est la plus grande expression de la liberté de l’homme parce qu’elle se situe au sein du domaine inviolable et intime de la conscience humaine. La plus grande de toutes les libertés est donc la liberté religieuse et de conscience.

Malheureusement, la culture politique guinéenne forme une génération de « politiciens » sans conscience religieuse dont la morale reste au niveau de l’instinct, et dont l’idéal se limite au culte du moi ; ce qui compromet l’avenir du pays

– Car priver l’homme de Dieu, c’est le priver de sens, c’est donc le tuer lentement mais sûrement en supprimant en lui l’espérance. Notre pays a aujourd’hui besoin de dirigeants qui incarnent la vérité, la justice, le patriotisme agissant, la paix, la cohésion sociale, l’équité, le respect des lois mais il a surtout besoin des hommes et des femmes au service de Dieu et de l’homme.

Les serviteurs de l’État sont ceux et celles qui se mettent au service de toute la Nation sans distinction de religion, d’ethnie, de région ou de formation politique. La Guinée est un pays où la pratique effective de la laïcité devrait contribuer efficacement à la promotion de la culture de la paix et la mise en œuvre du programme de développement fondées sur la fraternité et la solidarité humaines.

En paraphrasant Christine Boutin, femme politique française, je dirais que la laïcité doit être désormais définie non plus comme distinction entre le politique et le religieux, mais comme une contribution nécessaire des religions à la construction de la société.

Car la religion est un facteur de développement humain, social et économique. Que l’État guinéen se penche sur la situation qui sévit entre les Communautés religieuses ou les institutions installées à Kendoumaya et les autorités locales et préfectorales de Coyah afin d’éviter la violence et rétablir la justice et la vérité.

Depuis l’avènement de l’indépendance en 1958 et malgré les gouvernements qui se succèdent, la République de Guinée n’est pas parvenue à sortir de la violence et de la misère.

Le pays est tenu en otage, ce qui paralyse la promotion humaine, la consolidation des institutions de l’État, la mise en œuvre d’un programme de développement, la mise en valeur et la gestion rationnelle des ressources naturelles.

Après soixante-deux ans d’indépendance, il est plus facile aujourd’hui d’enseigner la foi chrétienne aux juifs que de leur faire comprendre que l’un des pays les plus riches de l’Afrique et du monde ( scandale géologique, château d’eau de l’Afrique de l’ouest) abrite les populations les plus pauvres de la planète terre.

Quand on parcourt le pays, il est terrifiant de rouler sur des voies sans bitume, de rencontrer des villages et des villes non éclairés, sans eau potable et sans infrastructures sanitaires.

À quand la construction et l’émergence du pays maintes fois promises par les politiciens en période de campagne électorale?

Que dire aux enfants et aux jeunes qui risquent de passer toute leur vie à espérer un lendemain meilleur sans suite?

Quels leaders pourront-ils sortir le peuple guinéen de l’oppression, de la haine, de la pauvreté matérielle, morale et spirituelle, de la misère, de l’ignorance?

La Guinée se trouve dans une période délicate de son histoire et de son destin, elle a aujourd’hui plus que jamais besoin de dirigeants charismatiques, pour faire face aux enjeux nationaux et internationaux.

Le pays joue le 18 octobre prochain la Ligue des champions sur un terrain miné et très glissant où les joueurs d’une des équipes en compétions sont en même temps les arbitres du match.

Quelle place et quel rôle donnons-nous à la conscience morale et humaine qui est le seul lieu de la décision et de libre choix?

Personne ne sera surpris de voir les équipes adverses endosser ou encaisser des penaltys, des cartons jaunes et rouges à tort. Le cœur de nos dirigeants et hommes politiques est atteint d’un virus mortel, il a besoin de soins appropriés. La mentalité du Guinéen est rongée par l’ethnicisme, le régionalisme, le clanisme et la « politique du ventre ».

Ne sommes-nous pas en train d’assister comme des spectateurs passifs et impuissants, au naufrage de la conscience morale et politique du Guinéen dans les eaux profondes du mal et de la mort ? Je nous invite chers Guinéens à l’unité nationale, au patriotisme, au respect des droits humains, à la justice sociale et à la paix.

J’invite les institutions comme la CENI, la Cour Constitutionnelle, les Forces de l’ordre, etc., à faire preuve d’impartialité, d’honnêteté et d’indépendance signes de maturité politique.

Votre sens élevé de l’humanisme et votre engagement civique, moral et spirituel permettront à la Guinée de relever les nombreux défis qui lui sont lancés dans la conduite du destin commun.

J’invite les croyants (chrétiens, musulmans et autres) à se comporter en hommes et femmes exemplaires, responsables et à ne pas céder à la division, à l’incivisme, au clanisme, à la corruption érigée en loi sociale, au rejet de l’autre et au mensonge honoré et exalté comme une valeur populaire nationale.

Les pouvoirs publics sont priés de rétablir dans leurs droits, les institutions installées à Kendoumaya où se forment les futurs formateurs et éveilleurs de la conscience morale, humaine et religieuse du peuple de Guinée tout entier.

Que prime l’intérêt général dans la vérité, la justice, l’honnêteté et la droiture.

Que Dieu bénisse la Guinée et les Guinéens.

Abbé Paul Tamba Kamano.

 

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