Jeunesse guinéenne : prenez le pouvoir, prenez vos responsabilités (par Honorable Cheick Tidiane TRAORÉ)

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Pauvre Guinée… Tu as accédé à la souveraineté internationale il y a plus de 66 ans. Si tu étais un être humain, tu serais peut-être déjà morte en 2006, puisque l’espérance de vie du Guinéen, sauf erreur, tourne autour de 47 ans.

Depuis 1958, ta gouvernance est toujours tenue par une génération de fils et de filles nés durant la période coloniale. Il est temps de rendre un hommage mérité à ceux qui sont encore en vie et politiquement actifs, tout en leur demandant— respectueusement mais fermement—de faire valoir leurs droits à la retraite.

De 1958 à 1984, le Président Ahmed Sékou Touré a conduit les destinées de la Guinée, entre espoirs et souffrances.

De 1984 à 2008, le Général Lansana Conté a incarné un pouvoir nourri d’espérances, mais marqué par de nombreuses désillusions.

De 2008 à 2009, le Capitaine Moussa Dadis Camara a brièvement incarné un espoir, vite éteint.

De 2009 à 2010, le Général Sékouba Konaté a mené une transition avortée.

De 2010 à 2021, le Professeur Alpha Condé a dirigé le pays aux côtés de ceux qui avaient induit ses prédécesseurs en erreur. Hélas, il a commis les mêmes fautes, remettant en cause l’image de démocrate et de défenseur des droits humains qu’il avait longtemps cultivée. Bien que certains chantiers de développement soient visibles, il n’a jamais su endosser pleinement le rôle d’un chef d’État. Il est resté dans l’habit de l’opposant. Fort en politique mais nul en gouvernance, il l’était. Malheureusement.

C’est ainsi que, depuis le 5 septembre 2021, un jeune, le Colonel Mamadi Doumbouya—aujourd’hui Général de corps d’armée—préside aux destinées de la Guinée.

Malgré tout, avec plus d’un demi-siècle de souffrances, le peuple guinéen n’a cessé de donner des leçons de courage et de dignité à ses dirigeants. À chaque tournant décisif, il s’est dressé, souvent au prix du sang, sans jamais rien demander en retour.

Les générations passent, mais l’anarchie et l’insécurité persistent. Pourtant, ce peuple reste déterminé à protéger les valeurs qui lui ont permis de sortir du joug colonial, du parti unique, du déficit démocratique et de la mauvaise gouvernance.

Partout autour de la Guinée, le renouvellement générationnel est en marche. Il appartient donc aux filles et fils nés après 1958 de se rassembler, dans le respect des différences, pour imposer les réformes politiques et démocratiques qu’appelle leur époque.

L’arrivée au pouvoir du CNRD, dirigé par le Général Mamadi Doumbouya—le plus jeune de tous ses prédécesseurs—représente un espoir pour cette jeunesse post-1958. Celle-ci doit prouver, à son tour, qu’elle peut être une chance pour la nation. Après l’adoption du référendum constitutionnel, les prochaines élections (communales, législatives et présidentielle) doivent être une opportunité pour les jeunes, toutes obédiences confondues, d’accéder aux leviers du pouvoir local et national.

Un mot d’ordre s’impose : « 2025, dernier rendez-vous pour les aînés politiques nés avant 1958. »

Aujourd’hui, les jeunes politiciens doivent être actifs, faire preuve de civisme, de maturité et de clairvoyance. Comme leurs aînés des années 1950 qui ont conquis l’indépendance, les jeunes générations doivent faire preuve de bravoure, de sacrifice, de discipline, de tolérance, de vigilance et de hauteur morale.

Les futurs députés issus de cette jeunesse, toutes tendances confondues, auront la lourde mission de poser les fondements légaux du changement générationnel dans les sphères politique, économique, sociale et culturelle.

Force est de constater que dans l’ensemble des partis, les jeunes manquent encore cruellement d’expérience en matière de gouvernance. Il leur revient donc de s’engager à tous les niveaux pour renforcer leurs capacités et éviter les erreurs des dirigeants, par exemple du CNDD, dont le passage au pouvoir fut aussi bref que chaotique.

Trois chantiers urgents s’imposent à cette génération :

1) Revoir l’avant-projet de Constitution pour une limite d’âge à la candidature à la présidence de la République à 70 ans au lieu de 80 ans.

2) Investir massivement les listes électorales lors des prochaines élections communales et législatives, en visant des positions éligibles.

3) Prendre en main le chantier de la réconciliation nationale, en confiant à l’université guinéenne et aux historiens le soin d’établir une lecture rigoureuse et partagée de notre histoire, socle d’une coexistence pacifique durable.

Parce que la politique est aussi une affaire de génération, cette jeunesse ne doit viser ni victoire partisane, ni défaite d’adversaire. Son seul objectif doit être l’émergence de leaders nés dans les années 1960 et suivantes, investis à tous les niveaux de responsabilité.

Les opportunités électorales étant cycliques, cette génération doit saisir celles qui s’annoncent. Car dans moins de dix ans, une autre génération, plus impatiente et moins respectueuse des aînés, s’imposera. Cette jeunesse ne doit pas rater son tour.

Depuis les années 1990, les mensonges politiques se sont succédé. Alors, pourquoi notre génération a-t-elle constamment préféré les menteurs ?

L’essentiel aujourd’hui est d’apprendre à reconnaître les slogans manipulateurs pour ne plus être dupes.

Car désormais, mentir massivement et sans honte semble être devenu la condition pour accéder au pouvoir. Cette conception honteuse de la politique, que certains aînés définissent comme « l’art de tromper », doit être déconstruite.

La mission de la nouvelle génération est donc claire : redéfinir la politique comme l’art de gérer le réel et d’agir sur lui.

La transition actuelle est le moment idéal pour que cette jeunesse fasse ses preuves. Qu’elle montre qu’on peut faire de la politique sans mentir, en bâtissant sa réputation sur la vérité et l’intégrité.

Mais attention : comme certains commerçants malhonnêtes, ne nous contentons pas de changer d’emballage pour masquer la péremption. L’enjeu n’est pas cosmétique, il est structurel.

Trois formes de vigilance doivent guider cette génération :

1) Éviter les jeunes formés à l’école du mensonge, encensés par les aînés parce que faciles à manipuler. Ces derniers s’en servent pour écraser l’élite authentique de leur génération. Leur offrir une seconde chance doit cependant rester envisageable.

2) Dénoncer les carriéristes opportunistes, qui retournent constamment leur veste pour rester proches du pouvoir.

3) Combattre l’ethno-stratégie et la politique du bouc émissaire, qui consistent à fuir les vrais problèmes pour diviser, au lieu de proposer des solutions aux attentes citoyennes.

Citoyennes et citoyens de la génération post-1958, amusez-vous à dresser la liste des plus gros mensonges politiques depuis l’avènement du multipartisme. Le résultat sera édifiant.

Il est donc faux — et insultant — de penser que tous les politiciens sont des menteurs.

Pourquoi faut-il changer de génération maintenant ?

Les besoins, les priorités et les repères d’un acteur politique de 65 ans ne sont pas ceux d’un homme ou d’une femme de 45 ans. Malgré l’importance des outils numériques, combien de nos dirigeants actuels savent en tirer profit ? De la présidence aux institutions républicaines, en passant par les états-majors des partis, combien maîtrisent réellement les NTIC ?

Avec l’arrivée massive des jeunes dans la gouvernance locale, le numérique entre pleinement dans nos vies. Il favorisera la numérisation de l’état civil, l’accès équitable aux services publics, la valorisation de nos potentiels économiques et culturels, et une fiscalité mieux maîtrisée. Résultat : des progrès rapides dans la lutte contre la pauvreté.

La jeunesse politique introduira aussi le numérique dans les écoles rurales, pour combattre l’analphabétisme numérique. Des programmes comme Simandou 2040 posent déjà ces jalons.

J’ose espérer que ce cri du cœur sera entendu, et que ma génération mettra ses compétences au service de la Guinée et des Guinéens.

Que Dieu bénisse la Guinée et les Guinéens. Amen.

Honorable Cheick Tidiane TRAORÉ

Secrétaire National Exécutif de la Synergie GMD25

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