Le ministre des Mines et de la Géologie, Bouna Sylla, a signé un mémorandum d’entente avec la société chinoise SD Mining en vue de lui attribuer le permis d’exploitation retiré à Axis. Cette décision, déjà contestée en interne, relance le débat sur l’équité dans l’attribution des titres miniers en Guinée.
Deux offres étaient sur la table. D’un côté, SD Mining, société 100 % chinoise, a proposé un paiement total de 250 millions USD, dont les modalités restent floues : certaines sources évoquent un versement immédiat de 125 millions USD, d’autres parlent de seulement 50 millions USD initiaux, suivis de 75 millions à court terme, et le reste durant l’exploitation.
De l’autre côté, l’entreprise guinéenne AGB2A-GIC (Alliance Guinéenne de la Bauxite, de l’Alumine et de l’Aluminium – Guinea International Corporation), a soumis une offre plus structurée : 150 millions USD immédiatement et 100 millions dans un délai de six mois. Cette proposition permettrait à l’État d’encaisser rapidement les fonds, tout en bénéficiant d’un revenu régulier estimé à 50 millions USD par an au titre de l’amodiation. AGB2A-GIC a également indiqué qu’elle était prête à améliorer son offre.
Pourquoi, dans ce contexte, le ministre Sylla a-t-il privilégié une entreprise étrangère dont les engagements financiers sont moins clairs, au détriment d’une société locale aux résultats concrets ? Plusieurs cadres du ministère auraient recommandé de maintenir les deux entreprises sur le permis, avec un versement immédiat de 125 millions USD chacune, proposition que le ministre n’a pas suivie.
Autre question : quelle valeur accorder à un simple MoU dans une affaire aussi stratégique ? Aucune clause ne garantit pour l’instant ni la création d’emplois locaux décents, ni la rétention des bénéfices en Guinée. À l’inverse, une entreprise guinéenne aurait pu renforcer la souveraineté économique du pays.
Un déplacement officiel sur le terrain pour constater les investissements réalisés aurait pu éclairer la décision. À ce jour, seule AGB2A-GIC a activement investi dans la zone concernée. Depuis 2022, l’entreprise opère sur le permis d’Axis en vertu d’un accord signé avec SD Mining, dans lequel les deux parties s’étaient engagées à ne mener aucune action préjudiciable l’une envers l’autre.
Ce même permis avait initialement été amodié par AGB2A, via un partenariat entre GIC (58 %) et SD Mining (42 %). En 2022, le ministère des Mines avait poussé à une séparation des deux partenaires, permettant à chacun de continuer ses activités sur les permis concernés. L’un d’eux, celui de Guinea Brain Touch (GBT), est aujourd’hui pratiquement épuisé.
Conséquence directe de cette séparation : GIC a hérité de la totalité du passif, soit une dette de 28 millions USD. Malgré cela, l’entreprise guinéenne a su rebondir. En 2024, elle avait déjà résorbé plus de 80 % de cette dette, exporté 7,5 millions de tonnes de bauxite, et investi plus de 300 millions USD dans un port flambant neuf dans la zone du permis d’Axis. Elle prévoit une production annuelle de 15 à 18 millions de tonnes dès 2025.
Le dossier Axis révèle une réalité préoccupante : le ministre Bouna Sylla a choisi d’écarter une entreprise nationale performante, au profit d’un opérateur étranger. Ce choix mérite un éclaircissement au plus haut niveau.
Mamy Soumaoro