Chassé, traqué, menacé. Depuis la manifestation du FNDC du 20 octobre 2022 à Conakry, Oury Bah, jeune militant de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), vit dans la clandestinité. Accusé de vandalisme et de violences contre les forces de l’ordre, il se dit victime d’un acharnement politique. Son histoire témoigne de la répression silencieuse qui s’abat sur les opposants dans la capitale guinéenne.
Dans le quartier effervescent de Hamdallaye, fief historique de l’opposition guinéenne, les souvenirs du 20 octobre 2022 restent gravés dans les esprits. Ce jour-là, le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) avait appelé à une nouvelle mobilisation contre la junte militaire dirigée par le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD). Ce fut la première manifestation d’envergure depuis celle du 5 septembre. Très vite, la contestation a viré à l’affrontement.
Dans la nuit du mercredi 19 au jeudi 20 octobre, des tensions ont éclaté entre groupes de jeunes et forces de sécurité, notamment sur l’axe stratégique Le Prince, théâtre habituel des confrontations politiques, mais aussi sur l’autoroute Fidel Castro et au rond-point Tannerie, où devait démarrer la marche.
Parmi les jeunes mobilisés ce jour-là : Oury Bah, militant actif de l’UFDG et fils d’un des membres fondateurs du parti. Aujourd’hui, il est en fuite.
« Ce jour-là, j’étais devant, en face des forces de l’ordre. Les gaz lacrymogènes pleuvaient, on nous a chargés violemment. On voulait juste nous faire entendre. Maintenant, on me traite de criminel », témoigne Oury Bah, joint depuis sa cachette.
Selon ses proches, Oury Bah, connu dans son quartier comme un activiste calme mais engagé, a toujours milité aux côtés de son frère dans la cellule locale de l’UFDG à Hamdallaye. Il assure n’avoir participé à aucune destruction de biens publics ni privés, mais uniquement exprimé son opposition à ce qu’il qualifie de « confiscation de la démocratie » par les militaires.
La peur au quotidien
Depuis cette manifestation, la pression s’est accentuée. Des témoignages concordants indiquent que plusieurs jeunes de l’Axe ont été arrêtés arbitrairement. Pour Oury Bah, la menace est devenue si réelle qu’il a dû quitter précipitamment son domicile.
« Un matin vers 5 heures, en rentrant de la mosquée, j’ai reçu un appel : on m’a dit que la gendarmerie était devant ma porte. Si j’étais rentré ce jour-là, je ne serais peut-être plus là pour raconter mon histoire », confie-t-il, la voix brisée.
Sa famille, dont le nom est bien connu dans les cercles politiques de l’opposition, a également été mise sous surveillance. Son père, ancien compagnon politique de Bah Mamadou, pionnier de l’UFDG, était très influent au sein de l’UFDG avant sa mort.
Un climat de chasse aux sorcières
Dans plusieurs quartiers réputés proches de l’opposition, les arrestations arbitraires se multiplient. Le FNDC, dissous par les autorités mais toujours actif dans l’ombre, dénonce une répression ciblée contre les militants pro-démocratie.
Un responsable local de l’UFDG, qui a requis l’anonymat, s’insurge :
« On utilise l’étiquette de “vandalisme” pour faire taire tous ceux qui osent s’opposer à la junte. Oury Bah est un jeune engagé, pas un criminel. Ce qui lui arrive peut arriver à n’importe lequel de nos militants. »
Silence des autorités, inquiétude des ONG
Du côté des autorités, c’est le silence. Aucun commentaire officiel n’a été fait sur le cas de Oury Bah, bien que des mandats d’arrêt aient été lancés contre plusieurs jeunes activistes après la marche du 20 octobre. Des ONG locales alertent cependant sur le traitement des détenus et les abus commis lors des arrestations.
Le climat politique en Guinée, déjà tendu depuis la prise du pouvoir par le CNRD en septembre 2021, semble glisser lentement vers une ère de répression systématique.
Pendant ce temps, Oury Bah attend, caché, espérant un jour pouvoir retrouver la liberté et défendre à visage découvert les idéaux pour lesquels il a grandi.
« Je suis prêt à répondre de mes actes, mais pas à me livrer à une justice aux ordres. Mon combat, c’est celui de la liberté, pas de la violence », conclut-il.
A noter que, malgré son absence au pays il est activement recherché par les forces de l’ordre.
Moussa Soumah