Pour une Guinée propre : S’inspirer du modèle sénégalais pour repenser notre politique d’assainissement

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Les pluies diluviennes qui s’abattent chaque année sur la Guinée sont devenues, pour nos populations, synonymes de détresse, de pertes humaines, de maisons effondrées, d’infrastructures submergées et de quartiers entiers transformés en cloaques. À Conakry comme dans les autres grandes villes du pays, les inondations récurrentes ne sont plus des catastrophes naturelles, mais des tragédies prévisibles. Ce drame silencieux trouve son origine dans un mal plus profond : l’absence d’une véritable politique nationale d’assainissement, cohérente, financée et structurée.

L’assainissement est l’un des piliers de la santé publique, de la dignité humaine et du développement durable. Pourtant, en Guinée, ce secteur vital reste le grand oublié des politiques publiques. La gestion des eaux usées, des ordures ménagères, des canaux d’évacuation ou encore des boues de vidange est souvent confiée à des structures désorganisées, mal équipées et sans vision commune. Les responsabilités sont éclatées entre plusieurs ministères, collectivités et agences, sans coordination réelle ni moyens suffisants. Résultat : la capitale, Conakry, est l’une des villes les plus insalubres de l’Afrique de l’Ouest.

Il est temps d’ouvrir les yeux, de rompre avec la fatalité et de puiser dans les réussites de nos voisins. Le modèle sénégalais, à travers l’expérience de la SONAGEB SA Société Nationale de Gestion Intégrée des Déchets, constitue un exemple inspirant dont la Guinée peut et doit s’inspirer.
Créé en 2022 pour remplacer l’ancienne Unité de Coordination des Déchets Solides (UCG), à travers la loi n°06/2022 adoptée à l’unanimité par l’AN . La SONAGED a pour missions principales  : la collecte, le transport et le traitement des déchets dans environ 557 collectivités territoriales, la gestion d’infrastructures locales dédiées aux déchets (points propres, centres de tri, zones de regroupement), le développement de filières industrielles de valorisation des déchets et la promotion d’une économie circulaire responsable, la création d’emplois : près de 17 000 emplois créés, avec un potentiel d’atteindre jusqu’à 40 000 emplois via l’expansion de partenariats sectoriels . Grâce à cet organe, le Sénégal a su développer un véritable système national d’assainissement : réseaux modernes dans les grandes villes, stations de traitement des eaux usées, politiques de gestion des boues de vidange, mais aussi campagnes citoyenne de sensibilisation à la propreté urbaine.

Un aspect particulièrement remarquable de ce modèle réside dans son mécanisme de financement innovant : la collecte des ordures ménagères est gratuite pour les populations, mais compensée par des taxes intégrées sur les carburants ou sur les factures d’électricité, assurant un financement durable et équitable. Ce système évite que le coût de la propreté repose uniquement sur les ménages, tout en garantissant la continuité des services.

Sources principales de financement:
1. Dotations publiques de l’État:
La loi n°06/2022 prévoit que la SONAGED bénéficie de dotations budgétaires régulières de l’État afin de couvrir les charges courantes de collecte, transport et gestion des déchets, tant qu’elle n’a pas atteint l’équilibre financier  .
2. Revenus tirés de ses activités:
Elle génère des revenus à travers des prestations facturées à des entreprises et collectivités privées ou publiques (contrats de collecte, services de tri et valorisation, etc.).
3. Partenariats public‑privé (PPP): La gouvernance de la SONAGED encourage la conclusion de PPP avec des entreprises privées pour cofinancer des infrastructures et des projets de valorisation.

En Guinée, nous devons sortir de l’improvisation. Il est urgent de mettre en place une structure nationale dédiée exclusivement à l’assainissement, disposant d’un mandat clair, d’une autonomie de gestion, d’un personnel qualifié et d’un financement stable. L’Agence Nationale de l’Assainissement et de la Salubrité Publique (ANASP) pourrait jouer pleinement ce rôle, avec une présence déconcentrée dans chaque région. Cette structure devrait travailler en synergie avec les communes, tout en coordonnant l’action de l’État, des partenaires au développement et de la société civile.

Mais l’assainissement est aussi l’affaire de tous. Nous, citoyens, devons changer nos comportements. Jeter les ordures dans les caniveaux surtout pendant qu’il pleut, pensant ainsi s’en débarrasser, est un acte destructeur qui obstrue les évacuations, favorise les inondations et aggrave les épidémies. Il faut une prise de conscience collective, qui commence dans chaque foyer, chaque marché, chaque coin de rue.

Les Organisations de la Société Civile (OSC) doivent jouer un rôle de premier plan dans cette dynamique. Leur engagement dans la sensibilisation communautaire, l’éducation environnementale, l’accompagnement des jeunes et des femmes, et la promotion de l’hygiène urbaine, est essentiel pour initier une nouvelle culture de la propreté.

Nous appelons donc les autorités guinéennes à faire de l’assainissement une priorité nationale, à l’instar du Sénégal. La Guinée mérite mieux que le décor indigne de ses caniveaux obstrués, de ses déchets en décomposition à ciel ouvert, de ses quartiers inondés à la moindre pluie. La Guinée mérite un avenir propre, sain et organisé. C’est bien possible, si la volonté est là.

Alpha BAYO
Acteur de la société civile

 

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