Conakry, 24 juillet 2025
Chers compatriotes,
Chères Sœurs de Guinée,
Femmes debout et fières,
Il est des moments dans la vie d’une nation où le silence devient renoncement, et où l’indifférence devient complicité. Aujourd’hui, je ne m’exprime pas uniquement en tant que commis de l’État. Je parle en tant que fille de cette nation, femme, épouse, mère, et héritière d’une longue tradition de femmes courageuses, de mères invisibles, de combattantes oubliées et d’héroïnes silencieuses. Des femmes qui ont maintenu ce pays debout, souvent dans l’ombre, sans attendre ni reconnaissance ni rétribution.
Je prends la parole au nom de toutes celles qui, trop longtemps, ont été exclues des espaces de décision. Des décisions engageant leur destin, sans qu’elles n’aient voix au chapitre. Trop souvent, des hommes ont décidé à la place des femmes. Trop souvent, ils ont parlé en notre nom. Trop souvent, ils ont agi pour nous, sans nous.
Mais cette époque touche à sa fin.
Dans quelques semaines, le 21 septembre 2025, un nouveau chapitre de notre histoire pourrait s’ouvrir. Ce jour-là, la Guinée sera à un tournant décisif. Un tournant que nous, femmes, devons prendre avec lucidité, courage et responsabilité.
Car nous représentons la majorité dans ce pays ( selon les dernières statistiques du RAVEC, les femmes représentent 51,8% de l’électorat). Et lorsque la majorité se tait, elle abdique. Lorsque la majorité se lève, l’histoire bascule.
Ce référendum n’est pas seulement un rendez-vous constitutionnel. C’est un rendez-vous avec notre dignité. Un rendez-vous avec la reconnaissance de nos droits. Un rendez-vous avec une République plus juste, plus inclusive, plus représentative de toutes ses forces vives et les femmes en sont la colonne vertébrale.
La Guinée a une histoire façonnée par les luttes, les sacrifices et l’aspiration profonde à la justice et à la dignité. Faisons de ce moment celui de l’espoir retrouvé, de la voix des femmes pleinement affirmée, et de l’émergence d’un nouveau contrat social porté collectivement, pour une République réellement équitable, solidaire et audacieuse.
La nouvelle Constitution qui sera soumise au référendum du 21 septembre 2025 est bien plus qu’un texte juridique. Elle incarne un idéal de société fondé sur la justice sociale, la dignité humaine, et la participation effective de toutes les composantes de notre Nation. Elle consacre des avancées majeures en matière de droits humains, notamment pour les femmes, les enfants, les personnes en situation de handicap, les personnes âgées, et tous ceux qui, jusqu’ici, vivaient en marge de la décision publique.
Le texte garantit la dignité humaine, l’égalité entre tous les citoyens sans distinction d’origine, de genre ou de croyance, ainsi que l’interdiction absolue de toute forme de violence ou de traitement inhumain (articles 6 à 9). Il consacre également le droit de chaque personne à une vie digne, à la liberté, à la sécurité, à l’éducation, notamment à la scolarisation dès l’âge de 5 ans et au maintien des enfants à l’école jusqu’à 17 ans, à la santé, à un environnement sain, au logement, au travail et à la participation à la vie publique (articles 21 à 30).
Mais l’une des avancées les plus marquantes de ce projet réside dans la promotion de la parité. Pour la première fois, notre loi fondamentale consacre un quota d’au moins 30 % de femmes dans les instances décisionnelles et les postes électifs nationaux, régionaux et locaux (article 6, alinéa 12). Ce n’est pas un geste symbolique. C’est une réponse à des décennies de sous-représentation. C’est une promesse de démocratie véritablement inclusive.
Cette disposition ne sort pas de nulle part. Depuis la Charte de la Transition, 30,86 % des sièges du Conseil National de la Transition sont occupés par des femmes. Ce chiffre, obtenu grâce à une volonté politique forte et à des mécanismes contraignants, prouve que là où la loi impose, la société avance. Aujourd’hui, cette exigence devient norme constitutionnelle.
La parité n’est pas une utopie. C’est une exigence démocratique. Le Projet de Constitution prévoit qu’aucun sexe ne peut représenter plus des deux tiers d’une liste électorale. C’est la fin des listes exclusivement masculines, la fin des parlements uniformes, la fin des décisions prises sans nous.
C’est l’ouverture d’un espace politique mixte, fertile, où la diversité devient une force. Car une démocratie sans femmes est une démocratie inachevée. Et désormais, ces droits ne sont plus négociables : ils sont constitutionnels.
Cette Constitution est aussi une opportunité historique de refonder le contrat social entre l’État et les citoyens, en réaffirmant les droits, mais aussi les devoirs de chacune et chacun (articles 33 à 40). Elle nous engage à bâtir un État plus juste, à renforcer le vivre-ensemble, à promouvoir la paix, à protéger les plus vulnérables, et à consolider la cohésion nationale.
Chères sœurs, cette Constitution est la nôtre.
Elle reconnaît notre dignité, notre intelligence, nos sacrifices et nos aspirations. Elle nous protège contre les discriminations. Elle nous garantit une voix. Elle nous accorde des droits nouveaux. Et surtout, elle nous invite à prendre toute notre place dans la construction de l’avenir commun.
Nous n’avons plus le droit d’être spectatrices. Nous devons être actrices. Il ne s’agit plus seulement de voter. Il s’agit de comprendre, de s’approprier, de défendre et de faire vivre cette Constitution.
La Guinée mérite une République à l’image de toutes ses filles et de tous ses fils. Ensemble, nous pouvons construire un avenir où chaque citoyenne et chaque citoyen pourra marcher debout, parler librement, décider collectivement.
Cette Constitution porte une promesse. Faisons-en une réalité.
En votant, nous ne choisissons pas simplement un texte. Nous affirmons que l’avenir se construira avec les femmes, non pas en marge, mais au cœur des décisions.
C’est un acte de foi républicaine. Une victoire collective. Une avancée historique à plus d’un titre. Elle consacre des engagements forts, contraignants et irréversibles.
Le projet de nouvelle Constitution guinéenne ne se résume pas à un texte de 199 articles. Il est bien plus que cela. Il incarne l’aspiration profonde du peuple de Guinée à une République renouvelée, fondée sur la justice, l’équité et la participation active de toutes ses composantes. Il constitue le dénominateur commun de toutes les Guinéennes et de tous les Guinéens, le lien sacré entre nos quatre régions naturelles, l’armature juridique et symbolique des 33 préfectures du pays.
Mes chères sœurs, chers compatriotes,
La victoire des droits des femmes est désormais gravée dans le marbre constitutionnel.
Mais soyons claires : une avancée juridique n’a de sens que si elle s’accompagne d’une vigilance citoyenne. Il nous faudra surveiller, dénoncer, corriger, appliquer. Il nous faudra refuser d’être invisibles, même dans la victoire.
À travers cette Constitution, la Guinée dit au monde : « La moitié de notre intelligence, de notre énergie, de notre courage ne sera plus jamais mise de côté. »
Et je vous le dis avec force : une nation qui respecte ses femmes, se respecte elle-même.
En avant, femmes de Guinée.
Notre heure a sonné. Et elle ne sonnera plus jamais sans nous.
Femme guinéenne, actrice centrale de la Constitution.
Alors, chères sœurs de Guinée, ne restons pas en marge de cette étape historique.
Le 21 septembre 2025, allons voter massivement.
Voter, c’est affirmer notre place.
C’est défendre nos droits.
C’est choisir une République qui nous ressemble.
Une République où plus jamais rien ne se fera sans les femmes.