Stop à l’indifférence : nos enfants méritent mieux que le petit commerce dans les rues !

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Si la population Guinéenne est majoritairement jeune avec 51.3% âgées de moins de 18 ans, l’avenir de cette jeunesse reste très incertain ! Loin d’être un simple défaitiste, les faits et les chiffres alertent négativement :

  • 34% de nos enfants ne vont pas à l’école en 2023 Selon un rapport du Fond des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF) ;
  • De nombreux enfants, dont la majorité des fillettes dont l’âge serait compris entre 7 – 13 ans, sont soumis à l’exploitation à travers le petit commerce dans les marchés et les rues de nos grandes villes !

Or, la convention internationale des droits de l’Enfant (CIDE) signée et ratifiée par la Guinée respectivement en 1990 et 1992, consacre l’égalité de droits de tous les enfants concernant la nourriture, le logement, la santé, l’éducation, la protection et aux loisirs entre autres.

Réalité ou simple illusion !

La présence massive d’enfants (en âge de scolarisation) dans les rues et marchés de la capitale et des grandes villes du pays ne remet-elle pas en cause le respect de ce principe d’égalité ?

Pendant que certains enfants sont bien entretenus, d’autres, du même âge, sont abusivement soumis à l’exploitation économique à travers le petit commerce d’articles, simultanément privée des dimensions liées à leurs droits fondamentaux dont l’éducation, la Santé, la Nutrition, le logement, la protection contre les violences, et ce, avec l’indifférence de tout un chacun.

Ce phénomène est accru à l’approche des grandes fêtes et pendant les vacances.

Y égard à la détermination de ces enfants à s’arracher une clientèle coincée dans les embouteillages, sous un soleil ardent ou des pluies drues, plusieurs questions méritent la réflexion de la part de tout observateur averti.

Quelles sont les raisons qui forcent ces enfants à se livrer au petit commerce au lieu d’être à l’école ? Qui profite des recettes issues de leur exploitation ?

Plus loin, ces enfants n’ont-ils pas les mêmes droits que ceux qui sont à l’école ?

A l’absence d’études permettant des réponses valables à ces questions ou d’élucider les véritables causes liées à l’exploitions abusives de ces enfants à travers le commerce dans les rues et marchés, je préfère faire un petit aperçu sur la protection des enfants contre l’exploitation (I) avant d’évoquer quelques facteurs de vulnérabilité de ces enfants (II) et leurs conséquences (III) assortis des propositions d’actions (IV).

Photo : M. O. Sidibé, 27 nov.2022, 15 :16 au marché du Km36, Sanoyah

 

  • Aperçu sur la protection des enfants 

Rappelons que le code le de l’Enfant de la République de Guinée dispose que « la Protection de l’enfant couvre la prévention et la lutte contre la violence, l’exploitation et les mauvais traitements infligés aux enfants, y compris l’exploitation sexuelle à des fins commerciales, la traite, le travail des enfants et les pratiques traditionnelles préjudiciables, comme les mutilations génitales féminines, et le mariage des enfants.

Il s’agit de toute activité visant obtenir le plein respect des droits de l’enfant, conformément à la lettre et à l’esprit des corpus juridiques relatifs notamment aux droits de l’homme, droit international humanitaire et au droit des réfugiés »

De même, il définit l’exploitation économique de l’enfant, comme « toute exposition de celui-ci à la mendicité, à la domesticité, au trafic, ou le fait de le charger d’un travail pouvant le priver de sa scolarité, ou qui soit nuisible à sa santé, à son développement, à son intégrité physique ou morale, ou son emploi à des fins ou dans des conditions contraires au présent code ».

De ces deux définitions, nous comprendrons aisément que le fait de livrer des enfants au petit commerce en lieu et place de leur scolarisation est qualifiable d’exploitation économique et de travail forcé ou obligatoire, car, ce dernier est définit par le Code de l’Enfant comme « tout travail où service exigé d’un enfant, en dehors des tâches familiales d’éducation, sous la menace d’une peine quelconque, voies de fait ou privations de toute nature et pour lequel l’enfant ne s’est pas offert de plein gré ».

Nous pouvons conclure donc que les enfants livrés au petit commerce, au profit d’autres personnes adultes ou pour subvenir à leur propre besoin, sont des enfants exploités et en manque de protection. Ce phénomène est associé à quelques facteurs de vulnérabilités en lien probablement avec les causes du problème.

(II) Facteurs de vulnérabilité 

Le non-respect des droits fondamentaux à l’éducation, la Santé, la Nutrition, le logement conformément aux dispositions des conventions signées et ratifiées ainsi que le code de l’enfant expose certains enfants à la précarité, à l’exploitation et à l’abandon.

La précarité des populations exacerbée par les inégalités sociales est notoire et défavorable à une meilleure survie pour les enfants issues de familles pauvres ou en séparation parentale. D’ailleurs, environ 60% des enfants vivent dans des ménages pauvres (EDS 2018), ce qui peut impacter leur accès à l’éducation.

L’insuffisance des dispositifs de protection sociale en générale, et ceux spécifiques aux enfants en particulier ne favorise pas la pris en compte de certains enfants en besoin d’assistance et de protection adéquates. C’est l’occasion d’évoquer le retard de la Guinée dans la formation et l’emploi décent du corps des professionnels du Travail social, spécialisé dans la protection des droits de l’enfant et tant d’autres domaines.

En plus, le phénomène de migration rurale des parents et ou des enfants vers les grandes villes et particulièrement la capitale, fait appel à la contribution des enfants pour surmonter le quotidien de leur parents ou tuteurs.

Parmi les facteurs de vulnérabilité, la non application de la législation liée à la protection des enfants favorise cette situation d’exploitation des enfants notamment par le petit commerce ambulant. Le code de l’Enfant met beaucoup plus l’accent sur la protection des enfants en conflits avec la Loi ou victimes d’exploitation ou d’abus sexuels. Cependant, une grande majorité d’enfants subissent l’exploitation et la maltraitance au quotidien et devant tous sans être pris en compte. C’est bien le cas de ces enfants contraints de vendre des articles dans les marchés et rues de nos villes avec toutes les conséquences négatives et minables.

(III) Des conséquences graves

D’abord, les conséquences portent sur les préjudices causés directement aux enfants soumis d’exploitation économique, tant sur le plan physique que psychologique, ou les deux à la fois.

Au regard des conditions d’existences de ces enfants dans les rues, ils sont privés d’une alimentation saine, d’un logement décent (ils passent la majeure partie de la journée dans la rue et y dorment parfois), et sont souvent victimes de violence physique sans compter les risques d’accident de la voie publique auxquels ils sont exposés.

Ils sont également exposés aux risques sanitaires (malnutrition, maladies infectieuses et diarrhéiques et autres maladies), à l’exploitation par des réseaux criminels de trafic de stupéfiants, trafic d’enfants ou de vols et banditisme.

Témoins de toutes les scènes même les plus horribles, jour comme nuit, ces enfants pourraient grandir avec des traumatismes psychologiques et une tendance accrue à la déviance ou fléaux sociaux dont la prostitution, le viol (avec tous les risques de grossesse non désirée et de maladies sexuellement transmissibles), leur mettant sur un tableau d’insertion ou de réinsertion socio-professionnelle très difficile.

Ensuite, les conséquences sont énormes pour les parents et toute la société. Ces enfants pourraient finir par devenir un fardeau familial et social au vue du manque d’éducation et d’insertion socio-professionnelle.

En définitive, c’est tout le pays qui subit le retard en terme de développement dans le futur et des dépenses liées à la sécurité des populations face à la menace croissante du banditisme. Le phénomène très recrudescent des enfants marchands dans les rues et marchées de nos villes laisse une image sombre pour le pays et donne une lecture facile sur la place qu’occupe notre jeunesse ainsi que le niveau de protection sociale et du respect des droits des enfants.

(IV) Propositions d’actions

Rappelons que la Convention Internationale relative aux Droits de l’Enfant (1989) dont la Guinée a signé et ratifié depuis juillet 1990, reconnait les Etats membres comme étant les premiers RESPONSABLES de la survie et du développement de l’enfant.

Elle stipule en son Article 19 que « l’Etat doit protéger l’enfant contre toutes formes de mauvais traitement perpétrés par ses parents ou par toute autre personne à qui il est confié, et il (l’Etat) établit des programmes sociaux appropriés pour prévenir les mauvais traitements et traiter les victimes ».

A son Article 32 également, il insiste sur le droit de l’enfant à la protection contre tout travail mettant en danger sa santé, son éducation ou son développement.

Pour être bref, nous devons agir tous et maintenant à travers des lois, politiques, mécanismes et la lutte contre l’impunité en faveur de ces enfants innocents.

   A-Renforcer les mécanismes et dispositifs de protection sociale (et de l’enfance)

Malgré les efforts de l’Etat à travers notamment des cadres juridique, politique et institutionnel existant appuyés par quelques Organisations de la société civile et les partenaires internationaux (UNICEF, SOS Villages d’Enfants, le Centre Konkouré de Mamou /Guinée solidarité, le FITIMA, etc.), les besoins sont encore loin d’être couverts dans l’accès aux droits des enfants en général, et ceux livrés au petit commerce ambulant dans nos villes plus spécifiquement. Les services sociaux de base restent limités et les infrastructures d’accueils et d’insertion socio-professionnelles sont insuffisantes.

La formation et l’emploi des Travailleurs sociaux spécialisés dans la protection de l’enfance est indispensable pour de meilleurs résultats. Bien que le Code de l’Enfant indique clairement certains critères de nomination des chargés de l’enfance au niveau de chaque préfecture en tenant compte de ses compétences et de l’intérêt qu’ils portent aux questions de l’enfance (Article 462), force est de reconnaitre que moins de 5% de ces fonctionnaires n’ont pas bénéficié d’une formation spécialisée adéquate pour assurer leur mission.

   B-Réduire la pauvreté et améliorer l’accès aux services sociaux de base

Les programmes d’autonomisation des populations par l’emploi et l’entreprenariat sont à renforcer ainsi que les activités de développement du potentiel humain, la réduction de la pauvreté et la lutte contre les inégalités sociales et économiques. Les services sociaux de base en faveurs des enfants en situation difficile doivent être accessibles tels que la gratuité des soins de santé, l’éducation et à la formation pour la réinsertion professionnelle.

     C-Renforcer le cadre législatif et l’appliquer

Le droit des enfants à la protection contre l’exploitation tel que le petit commerce ambulant doit faire l’objet d’une législation appropriée suivi de mécanismes d’application efficaces et durables. Une interdiction formelle de cette pratique est imminente couplée à la sensibilisation communautaire, à l’identification et l’accompagnement des parents et enfants exposés avant toute action répressive.

La vulgarisation et la mise en œuvre effective des conventions internationales relatives aux droits de l’enfant et les textes nationaux en vigueur est une condition pour assurer le changement de mentalité et de pratiques liées à l’exploitation des enfants par le commerce dans nos cités

En somme, une action collective est imminente pour endiguer ce phénomène croissant qui entrave les droits à l’égalité et à la protection des enfants et au développement socio-économique sur le long terme. C’est en cela que l’espoir sera permis en plus des efforts conjugués de l’Etat, des Organisations de la Société civile et les partenaires internationaux intervenant dans le domaine de la protection des droits des enfants en Guinée.

Mamadou Oury SIDIBE (PMP-PRINCE2),

Assistant social

Gestionnaire des Services de Santé- CESAG-Dakar

Téléphone : +224 622 147 952

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