1er décembre 1944- 1er décembre 2024, Thiaroye, Sénégal, commémoration du 80e anniversaire du massacre des tirailleurs sénégalais par l’armée française. Une date historique. Ainsi, dans la présente tribune, nous ferons successivement un rappel de la date du 1er décembre 1944 et de sa signification avant de revenir sur le long combat en faveur de la reconnaissance d’un devoir mémoriel du massacre éponyme ; nous nous intéresserons particulièrement sur l’après reconnaissance en termes de réparation, dans le cadre du rétablissement de la vérité historique, de la repentance et de la justice aux tirailleurs sénégalais, appellation générique désignant des soldats africains des diverses colonies enrôlées dans l’armée française.
Une date et sa signification : 1er décembre 1944, massacre des tirailleurs sénégalais par l’armée française à Thiaroye, Sénégal
Les tirailleurs sénégalais ayant combattu aux côtés de l’armée française les forces allemandes lors de la deuxième guerre mondiale sont démobilisées et regroupés au Camp de Thiaroye en attendant leur rapatriement dans leurs colonies d’origine. Pour avoir réclamé leur solde et autres primes, l’armée française a tiré sur eux. On dénombre des morts et ils sont ensevelis ailleurs. Les circonstances exactes, le nombre de morts et le lieu exact de sépultures des tirailleurs tués lors de ce massacre font toujours l’objet de controverses. Ce 1er décembre marque une date significative et symbolique sur l’injustice subie par les tirailleurs sénégalais en termes de reconnaissance d’actes lors des opérations, de soldes et de pensions et autres.
Un long combat pour la reconnaissance d’un massacre (1944-2024) : 80 ans pour le devoir de mémoire
Il a fallu le 28 novembre 2024, soit 80 ans après les faits, pour que les autorités françaises reconnaissent, au plus haut niveau et pour la première fois, le massacre des tirailleurs sénégalais commis par l’armée française à Thiaroye ce jour fatidique du 1er décembre 1944. En effet, dans une correspondance adressée au Président Bassirou Diomaye FAYE, du Sénégal, le Président Emmanuel MACRON, de la France, indique que : « La France se doit de reconnaitre que ce jour-là, la confrontation de militaires et de tirailleurs qui exigeaient que soit versée l’entièreté de leur solde légitime, a déclenché un enchainement de faits ayant abouti à un massacre. » Un acte de repentance salué par le président sénégalais et bien d’autres tout en soulignant la nécessité d’éclaircir les zones opaques autour du massacre longtemps ignoré. C’est le lieu de souligner qu’il s’agit de l’aboutissement d’un long combat en faveur de la reconnaissance des faits. C’est surtout l’occasion de rendre hommage à divers acteurs ce long combat que sont les tirailleurs eux-mêmes, les historiens, les écrivains, les poètes, les cinéastes et les anonymes. Quantité de films, de poèmes, de pièces de théâtre ont porté sur le massacre des tirailleurs sénégalais à Thiaroye et l’ensemble de ces œuvres ont permis à ce que l’acte ne tombe pas l’oubli. Le poème Thiaroye du Président Senghor, l’œuvre musicale et théâtrale Aube africaine de Keita Fodeba, le film Camp de Thiaroye d’Ousmane Sembene et bien d’autres illustrent ce travail précurseur de mémoire de ces pionniers dont il faut saluer le courage et la vision.
Une nécessité de traduire l’acte de reconnaissance en termes de vérité et de réparation pour la mémoire des tirailleurs sénégalais
Un comité de commémoration composé de six historiens et d’un documentariste que préside l’historien Mamadou DIOUF a été mis en place par les autorités sénégalaises. Ce 1er décembre 2024, l’Etat sénégalais a commémoré le 80e anniversaire du massacre des tirailleurs sénégalais. Le président du Sénégal, accompagné de certains de ses homologues africains et du ministre français des affaires étrangères, a procédé au dépôt d’une gerbe de fleurs au Cimetière militaire de Thiaroye. En sus de ces points importants, plusieurs autres pistes peuvent être envisagées. Le premier pas doit s’inscrire dans la recherche de la vérité sur les faits, les circonstances, le bilan et les lieux entourant le massacre de ce 1er décembre 1944. Cela suppose l’accès à toute la documentation y relative se trouvant dans les services d’archives en France ou ailleurs. Le second acte concerne toutes autres formes de réparation allant de la reconnaissance pleine et entière du massacre à l’allocation de ressources aux régions de provenance des tirailleurs sénégalais en passant par l’inscription de cet épisode de notre histoire dans les programmes d’enseignement et autres actes symboliques.
Pour terminer, ce devoir de mémoire doit s’étendre à d’autres faits et actes historiques de même nature pour une saine relation entre peuples, dans le sillage du thème de l’Union Africaine (UA) pour l’année 2025 « Justice pour les Africains et les personnes d’ascendance africaine grâce aux réparations ». Petit fils de tirailleur sénégalais, Diallo Souleymane, de la Guinée, nous continuerons à rendre un hommage mérité aux tirailleurs sénégalais par devoir de mémoire !
Dakar, le 1er décembre 2024
–Juris Guineensis No 72
Me Thierno Souleymane BARRY, Ph.D
Docteur en droit, Université de Sherbrooke/Université Laval (Canada)
Professeur de droit, Consultant et Avocat à la Cour