L’opération main propre que l’exécutif fait miroiter aux Guinéens risque de durer le temps d’une rose. Si l’on s’en tient du moins à cette conception absolutiste du gouvernement, consistant à attiser la peur chez les hommes de médias.
On le sait, les porteurs de mauvaises nouvelles ont de tout temps provoqué la furie des rois. Et certains finissaient ainsi sur l’échafaud, pour avoir annoncé un fait négatif. « Ne tuez pas le messager », est une formule célèbre de Sophocle dans Œdipe qui, plus de deux mille ans après, sied bien au triste sort que ce gouvernement voudrait réserver dorénavant aux médias de notre pays. Si ce n’est d’ailleurs pas le cas.
De quoi donner raison à certains opposants au troisième mandat qui, telle Madame Soleil, avaient eu le flair de prédire que les journalistes allaient essuyer les plâtres de ce saut vers l’inconnu. Juste pour avoir fait leur travail.
Ce constat ne vise en rien à faire pleurer dans les chaumières. Car Guineenews.org est loin d’un café du commerce où se colportent des ragots.
Cette réaction sourcilleuse de l’exécutif suite aux révélations sur la scabreuse affaire du présumé détournement présumé de 200 milliards de francs guinéens, imputée à Mme Zenab Nabaya Dramé, ministre de l’Enseignement technique, de la formation professionnelle et de l’emploi, est la preuve éloquente que les récentes sorties du président, au lendemain de sa victoire tirée par les cheveux, n’étaient nullement synonyme de contrition pour sa gestion désincarnée. Tout ça n’était que du cirque politique, pour amuser le tapis vert.
Dans ce communiqué qui a l’air de donner le ton à la chape de plomb de la censure, le gouvernement fait cas de son indignation, par rapport à ces révélations portant sur cette affaire de détournement présumé de deniers publics d’un montant de plus de 200 milliards GNF, dont se serait rendu coupable un de ses membres.
Toujours prompt à parer les coups, à chaque fois qu’un scandale relatif aux tueries ou aux malversations financières est révélé au grand jour, le gouvernement « dément formellement un scandale financier impliquant un ministre en fonction. »
Tout en se réservant « le droit d’éclairer la lanterne publique et lever toute équivoque, à propos des faits allégués, et de saisir autour de cette affaire montée de toutes pièces, la Haute autorité de la communication (HAC), pour interpeller les professionnels des Médias, à propos de la diffusion de fausses informations ».
Sans oublier la justice, l’autre bras du système qui « pourrait être aussi saisie pour identifier, à des fins de poursuites judiciaires, toutes les potentielles sources de désinformations ».
Des arguments staliniens en somme. Autre fait à relever concernant ce fameux communiqué, c’est qu’il est sans papier en-tête ni cachet, encore moins de signature du Premier ministre. Tout ça prouve à suffisance qu’il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark. Pardon en Guinée.
Mais on comprend bien cet argumentaire vaseux. Quand on sait que de tels scandales ne pourraient que contribuer davantage à éroder l’image du gouvernement aux yeux d’une opinion publique blasée. Mais cela suffit-il à cacher la poussière sous le tapis ?
Sinon dans un Etat qui se veut sérieux, on ne s’en prend pas tout de go à celui qui dénonce un scandale. Sans avoir diligenté des enquêtes pour démêler le vrai du faux, au lieu de faire bloc derrière ceux qui sont épinglés dans leur gestion de nos deniers publics. Allez jusqu’à aiguillonner l’appareil judiciaire pour traquer des sources d’informations, au moment où la loi d’accès à l’information publique vient d’être adoptée par le parlement. Une contradiction digne d’un apothicaire sans sucre.
Saint Just n’avait pas tort de dire : « un peuple n’a qu’un ennemi dangereux, c’est son gouvernement ».
A l’exécutif de savoir si le jeu en vaut la chandelle.