Consommation des aphrodisiaques naturels à base de plantes, un véritable problème de santé publique en Guinée

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Si la Guinée, à travers le Ministère de la Santé et de l’Hygiène Publique a réussi significativement le combat contre le commerce illicite des produits pharmaceutiques, force est de constater l’émergence du secteur des médicaments traditionnels et ceux dits « naturels », sous le regard de tout un chacun.  Parmi ces médicaments traditionnels, figurent les aphrodisiaques et produits de sexualité dont la fabrication, la distribution et la consommation non contrôlées par les services de santé habilités constituent certes, une menace grave à la santé publique. Compte tenu de l’urgence d’en parler mais aussi de l’ampleur et de la gravité du problème, j’aborderai en premier lieu dans cet article la question des aphrodisiaques et autres produits de sexualité d’origines traditionnelles avant d’évoquer prochainement celle portant sur l’intégration de la médecine traditionnelle dans le système de santé Guinéen.

En tout cas, de gré ou de force, nul n’échappe de nos jours au marketing des vendeurs de produits aphrodisiaques ou de sexualité partout dans la cité. Sur les réseaux sociaux, les espaces publics ou à travers des marchands ambulants qui s’érigent parfois en visiteurs dans les bureaux de l’administration, nous consommons régulièrement des messages de ces « businessmen » en croissance dans notre pays. Des messages, allant même à l’encontre de la pudeur et de nos mœurs nous inondent partout sur les réseaux sociaux, les voies publiques ainsi que les antennes de radios locales : « Faiblesse sexuelle, Ejaculation précoce, Azoospermie, Infertilité, maladies sexuellement transmissibles, hémorroïdes… », « Grossir son 3ième pied ou Développe Sex», « les femmes aiment quand c’est Long et Gros », « elle va crier toute la nuit », « vous pouvez le faire quatre fois par nuit » !!!  Pour convaincre les clients dubitatifs, les auteurs rajoutent ‘’hypocritement’’ que la guérison totale est garantie et les produits sont 100 % naturels et SANS EFFETS SECONDAIRES !

Le choix de certains citoyens à s’approvisionner dans les marchés des aphrodisiaques sans consulter dans les structures médicales est certainement favorisé par un certain nombre de facteurs socio-culturels, environnementaux et psychologiques.

Des facteurs favorisants :

D’abord, disons que les personnes souffrant de dysfonctionnement sexuel sont généralement dominées par des perceptions socio-culturelles. Elles considèrent comme « honteux » ou hautement « confidentiel » tous les problèmes touchant les organes génitaux. Cette tendance à se cacher des autres favoriserait le recours à des tradipraticiens ou tout simplement un vendeur des aphrodisiaques dans l’espoir de résoudre définitivement le mal sans l’exposer même à un médecin, dans la plus grande discrétion.

La prédisposition des populations à recourir à une automédication ouvre la voie aux entrepreneurs voulant gagner facilement et même illicitement leurs survies, en distribuant des produits pouvant être dangereux pour la santé. L’abondance de l’offre de toutes les variétés des aphrodisiaques sur nos marchés indique suffisamment l’expression de la demande ou du moins le besoin, voire la consommation de ces produits par une proportion importante de la population. Vraisemblablement, le business des aphrodisiaques et autres produits de sexualité prospère bien en Guinée !

A tout ceci, vient s’ajouter le faible accès aux services de santé, notamment ceux de la santé sexuelle masculine avec une forte concentration des médecins spécialistes en urologie à la capitale.

La quasi-absence de l’Etat dans le contrôle du marché de fabrication, d’importation et de commercialisation des gammes de produits aphrodisiaques et de sexualité (scientifiquement approuvés) constitue un facteur essentiel. Il suffit de de se rendre dans nos différents marchés pour constater l’exposition flagrantes et agressives des produits aphrodisiaques aux emballages portant les images de l’organe externe masculin, des grosses fesses et des gros seins de la femme ; une fois encore, en violation de la pudeur et de nos normes socio-culturelles et religieuses.

Enfin, certains hommes sont à la quête permanente de la performance sexuelle ou de la sur-performance même, avec leurs partenaires sexuels. Le complexe de certains hommes d’être inférieurs à la femme et le manque de communication entre les couples dans un environnement ou le recours à un sexologue ou un psychologue (rares en Guinée) est peu connu, sont également non négligeables.

Cependant, la prise de traitement médicamenteux portant sur des organes aussi précieux comme l’appareil génital masculin sans aucune prescription établie par un professionnel de santé pourrait avoir des risques et conséquences graves sur la santé publique.

Des conséquences sur la santé publique démontrées ailleurs 

En tout cas, chez nos voisins de la Cote d’Ivoire, l’Autorité Ivoirienne de Régulation Pharmaceutique (AIRP), a rendu publique le jeudi 11 avril 2024, une note d’information relative à la suspension de la fabrication et la commercialisation des produits dénommés « Attoté original 100% naturel » et « La paix congnons-mousso-yako ». Source :https://24heureinfo.com/.

L’AIRP indique que des tests de contrôle qualité effectués par le Laboratoire National de Santé Publique (LNSP) de la Cote d’Ivoire, sur des échantillons des produits aphrodisiaques nommés ci-dessus ont révélé la présence d’importantes quantités de SILDENAFIL dans ces produits. Elle souligne ainsi que la « consommation de ces produits frelatés, surdosés au sildénafil entraine de maux de tête et des vertiges. Chez les patients hypertendus ou présentant des risques cardiovasculaires, des Accidents Vasculaires Cérébraux (AVC), des crises cardiaques, voire la mort subite, peuvent survenir ». Avant de finir, l’AIRP invite les populations à s’abstenir de consommer « Attoté original 100% naturel » et « La paix congnons-mousso-yako et leur dérivés » au regard des risques sur la santé publique.

En Guinée, à l’absence d’études rendues publiques pouvant établir la relation causale entre la consommation desdits aphrodisiaques et la survenue de certaines maladies cardio-vasculaires d’une part, et le manque d’analyse de laboratoire sur des échantillons de produits aphrodisiaques commercialisés sur le marché d’autre part, il n’est pas judicieux pour moi d’évoquer avec des preuves factuelles les risques et dangers encourus par les consommateurs. Cependant, les médecins en général, et particulièrement les spécialistes en endocrinologie, gastro-entérologie, néphrologie, urologie, cardiologie et neurologie notamment, mettent régulièrement en garde leurs patients en consultation sur l’utilisation des médicaments traditionnels surtout les formes de décoctions ou de macérés à prendre par la voie orale.

En plus des risques et conséquences scientifiquement évoqués par l’AIRP en Côte d’Ivoire, il peut être permis de penser aux problèmes d’addiction due à la consommation abusive ou prolongée des aphrodisiaques pour s’octroyer sa performance sexuelle. La prise en charge à l’hôpital des effets secondaires et autres conséquences contribuent également à appauvrir les ménages qui supportent majoritairement les dépenses de santé ou à travers la survenue des décès.

Il est temps d’agir ou de continuer à subir !

Des axes d’intervention devront être suivis à plusieurs niveaux afin de circonscrire la menace et limiter les conséquences de l’utilisation des aphrodisiaques naturels scientifiquement non approuvés sur la santé des populations. Il s’agira entre autres :

  • La conduite d’études sur des échantillons de produits aphrodisiaques et autres produits de sexualité disponibles sur le marché parallèle en Guinée. Il est indispensable d’établir des preuves scientifiquement irréfutables des méfaits ou des bienfaits des composants de ces produits afin de prendre les décisions appropriées. Par une simple observation sur le marché inondé de produits aphrodisiaques et dérivés sous toutes ses formes : gel de serrage vaginale, pommades pour agrandir les fesses ou les seins, crème pour allonger et grossir le pénis, comprimés pour durer plus de trois heures au lit, etc. on s’interroge tout naturellement si l’utilisation de ces produits n’affecte pas dangereusement la santé des consommateurs. Interdire ou réprimer tout simplement la commercialisation desdits produits sans des éléments de preuves portant sur le danger de leur utilisation serait synonyme d’acharnement contre les intérêts des vendeurs et le ‘’bonheur’’ des clients qui estimaient y trouver la joie de vivre. D’où l’impérieuse nécessité d’avoir des résultats scientifiquement approuvés.

 

  • Le renforcement de la règlementation et le contrôle sur la fabrication, l’importation et la commercialisation des aphrodisiaques et dérivés dits naturels en Guinée. Si la Guinée était considérée auparavant comme un centre de transit et de distribution des médicaments de contrefaçons, aujourd’hui tout laisse à croire qu’elle s’illustre dans l’importation et la distribution de produits aphrodisiaques et de sexualité, échappant pour l’instant à la réglementation et au contrôle par les services compétents. Au même titre que les succès ont été observés dans l’assainissement du marché des médicaments illicites, il est autant imminent de s’intéresser sur les autres catégories de médicaments comme les aphrodisiaques et ses dérivés pouvant nuire à la santé publique.

 

  • La collaboration avec les praticiens de la médecine traditionnelleet ceux de la médecine occidentale afin d’échanger sur le rôle et la responsabilité de chacun dans la démarche de prise en charge des patients. Les résultats concluants sur les produits naturels devraient faire l’objet d’un encadrement et une acceptation sur le marché guinéen. Une telle démarche sera à l’avantage de tous : le secteur de la santé plus intégré et accessible, les tradipraticiens et distributeurs exerçant une activité génératrice de revenus, ainsi que des populations accédant à des produits de santé de bonne qualité
  • La sensibilisation des populations sur les risques et conséquences des aphrodisiaques et dérivés dits naturels mais non approuvés scientifiquement. L’information, l’éducation et la communication aideront certes les populations à prendre conscience et opter pour des décisions appropriées au bon moment mais surtout, à consulter un professionnel de santé pour les problèmes sexuels au même titre que pour des céphalées ou une douleur abdominale.

En attendant, que chacun de nous veille sur sa santé et consulte auprès d’un professionnel de santé en cas de dysfonctionnement sexuel ou tout autre besoin lié à notre sexualité. Rappelons-nous de la citation de Jacques CARON qui dit : « à vouloir tout gagner, on peut tout perdre ; mais à vouloir être trop prudent, on peut être repentant » !

 

Mamadou Oury SIDIBE (PMP),

Assistant social

Gestionnaire des Services de Santé- CESAG-Dakar

Téléphone : +224 622 147 952

 

 

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