Liberté de la presse en 2019 : la Guinée recule

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Avec la croisade lancée contre des journalistes par le régime Alpha Condé en 2018 et 2019, le chef de l’Etat guinéen ne devrait pas s’étonner du classement mondial sur la liberté de la presse comme il l’avait fait l’année. De Mamadou Saliou Diallo, à Moussa Moise Sylla, Moussa Yéro Bah, Aboubacar Diallo, Lansana Camara qui a passé une semaine en prison au près des grands criminels, à Almamy Kalla CONTE, excusez du peu, la liste n’est pas exhaustive, elle est longue, l’année 2019 reste une année noire pour la presse guinéenne.  Sur 180 classés, la Guinée occupe les 107 rangs. Lisez plutôt le classement de RSF.

Classement mondial de la liberté de la presse 2019 : la mécanique de la peur

L’édition 2019 du Classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières (RSF) montre que la haine des journalistes a dégénéré en violence, laquelle est facteur d’une montée de la peur. Le nombre de pays considérés comme sûrs, où les journalistes peuvent exercer leur métier en toute sécurité, continue de se réduire, tandis que les régimes autoritaires renforcent leur emprise sur les médias »

Le Classement RSF, qui évalue chaque année la situation du journalisme dans 180 pays et territoires, révèle le déclenchement d’une mécanique de la peur très préjudiciable à l’exercice serein du journalisme. L’hostilité à l’encontre des journalistes, voire la haine relayée dans nombre de pays par des dirigeants politiques, a fini par susciter des passages à l’acte plus graves et plus fréquents, qui provoquent un accroissement des dangers et, de ce fait, un niveau de peur inédit dans certains endroits.

«Si le débat politique glisse subrepticement ou manifestement vers une ambiance de guerre civile, où les journalistes font figure de victimes expiatoires, les modèles démocratiques sont en grand danger, explique Christophe Deloire, secrétaire général de RSF. Enrayer cette mécanique de la peur est une urgence absolue pour les femmes et les hommes de bonne volonté, attachés aux libertés acquises au long de l’histoire. »

Au Classement 2019, la Norvège conserve pour la troisième année consécutive sa place de premier, tandis que la Finlande (+2) retrouve sa deuxième position, au détriment des Pays-Bas (4e, -1), où deux reporters spécialistes du crime organisé sont contraints de vivre sous protection policière permanente. La recrudescence du cyberharcèlement a fait perdre une place à la Suède (3e). Au titre des bonnes nouvelles sur le continent africain, l’Ethiopie (110e, +40) et la Gambie (92e, +30) progressent significativement.

Plusieurs régimes autoritaires perdent des places au Classement. C’est le cas du Venezuela (148e, -5), où les journalistes ont été confrontés aux arrestations et violences infligées par les forces de l’ordre. Et de la Russie (149e, -1), où le Kremlin a accentué la pression contre internet et les médias indépendants, à coup d’arrestations, de perquisitions arbitraires et de lois liberticides. Le Vietnam (176e), talonné par la Chine (177e, -1), perd également une place. Dans la Corne de l’Afrique, l’Erythrée atteint l’antépénultième place (178e, +1), malgré la pacification de ses relations avec l’Ethiopie, tandis que le Turkménistan (180e, – 2) est désormais dernier, à la place de la Corée du Nord (179e, +1).

Seulement 24% des 180 pays et territoires affichent une situation “bonne” (zone blanche) ou “plutôt bonne” (zone jaune) contre 26% l’année dernière. Les Etats-Unis (48e), où un climat toujours plus hostile s’est installé au-delà des propos de Donald Trump, perdent trois places en 2019 et basculent dans la zone orange, ce qui signale une situation problématique. Jamais les journalistes américains n’avaient fait l’objet d’autant de menaces de mort. Ils n’avaient jamais non plus autant sollicité d’entreprises privées pour assurer leur sécurité. La détestation des médias est telle que, dans le Maryland, un homme a délibérément ouvert le feu dans la rédaction du quotidien local d’Annapolis, The Capital Gazette, faisant cinq morts. Avant de passer à l’acte, le tueur avait abondamment partagé sa haine du journal sur les réseaux sociaux.

Menaces, insultes et agressions font désormais partie des “risques du métier” de journaliste dans de nombreux pays. En Inde (140e, -2), où ceux qui critiquent l’idéologie nationaliste hindoue sont qualifiés d’éléments ”anti-indiens” dans le cadre de campagnes de cyberharcèlement, six journalistes ont été assassinés en 2018. Au Brésil (105e, -3), depuis la campagne électorale, la presse est devenue une cible pour les partisans de Jair Bolsonaro, tant sur le terrain virtuel que physique.

Le courage des journalistes d’investigation traqués

Dans ce climat d’hostilité généralisée, il faut du courage pour continuer à enquêter sur la corruption, l’évasion fiscale ou le crime organisé. En Italie (43e, +3), le ministre de l’Intérieur, Matteo Salvini, a envisagé de remettre en question la protection policière du journaliste Roberto Saviano à la suite de ses critiques contre le dirigeant de la Ligue, tandis qu’un peu partout dans le monde et notamment en Algérie (141e, -5) ou en Croatie (64e, +5), médias et journalistes sont confrontés à un harcèlement judiciaire croissant.

Les procédures bâillons engagées contre les journalistes d’investigation en France ou à Malte (77e, -12) visent à les épuiser financièrement, voire à les conduire en prison, comme en Pologne (59e, -1), où les journalistes du quotidien Gazeta Wyborcza sont menacés de peines d’emprisonnement pour avoir mis en cause le dirigeant au pouvoir dans une affaire de construction douteuse. C’est aussi le cas en Bulgarie (111e), où deux journalistes indépendants ont été placés en détention alors qu’ils enquêtaient depuis plusieurs mois sur des détournements de fonds européens. En plus des pressions judiciaires, les journalistes d’investigation sont la cible d’intimidations multiformes dès lors que leur travail lève le voile sur des pratiques ou des affaires véreuses. La maison de l’un d’entre eux a été incendiée en Serbie (90e, -14), et d’autres ont été froidement éliminés, comme cela a été le cas à Malte, en Slovaquie (35e, -8), au Mexique (144e, +3) ou encore au Ghana (27e, -4).

La traque des journalistes qui gênent les pouvoirs en place semble ne plus avoir de limite. Le meurtre sordide de l’éditorialiste saoudien Jamal Khashoggi, commis de sang-froid au sein du consulat en Turquie en octobre dernier, a envoyé un message glaçant aux journalistes bien au-delà des frontières du seul royaume d’Arabie saoudite (172e, -3). Par peur pour leur vie, nombre de journalistes de la région pratiquent l’autocensure ou ont tout simplement cessé d’écrire. Lire la suite de l’article sur rsf.org.

 

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