CONAKRY – Le parti Mouvement Démocratique Libéral (MoDeL) traverse une période d’incertitude. Alors que l’élection présidentielle est prévue pour le 28 décembre, son leader, Aliou Bah, est incarcéré pour “offense au chef de l’État”. Sa défense a introduit des recours, à la fois devant la Cour suprême et la Cour de justice de la CEDEAO, mais la procédure semble s’enliser.
Dans ce contexte, comment le parti compte-t-il se repositionner ? Elhadj Abdoulaye Amie Soumah, vice-président du MoDeL, a répondu à nos questions.
AFRICAGUINEE.COM : Quelle est la réaction de votre parti à l’annonce de la tenue de l’élection présidentielle le 28 décembre 2025 ?
ELHADJ ABDOULAYE AMIE SOUMAH : Le MoDeL prend acte de l’annonce de cette date. Pour nous, ce n’est pas seulement une question de calendrier, mais surtout une question de confiance. La crédibilité d’une élection repose sur sa transparence, son inclusivité et la confiance qu’elle inspire à tous les acteurs. Nous appelons donc à des garanties claires pour que cette élection soit ouverte, apaisée et crédible.
En début d’année, le Premier ministre Bah Oury avait laissé entendre qu’il pourrait y avoir un couplage de la présidentielle avec les législatives. À votre avis, pourquoi le président Doumbouya a-t-il finalement écarté cette option au profit de la seule présidentielle ?
Nous ne connaissons pas les motivations exactes de cette décision, donc on ne peut pas commenter.
Attendez-vous à ce que le Général Mamadi Doumbouya soit candidat ?
Nous l’encourageons vivement à respecter ses engagements. C’est bon pour lui, pour la Guinée et pour la démocratie. L’histoire politique de notre pays lui en serait reconnaissante et généreuse.
Toutefois, je dois admettre que ce n’est pas facile. Notre peuple et nos acteurs politiques sont capables de montrer deux visages. Je me rappelle, lorsque le président Ahmed Sékou Touré (paix à son âme) est décédé, les médias du monde entier sont venus en Guinée. Ils ont vu un peuple pleurer, tomber, parfois mourir de chagrin. Ils se sont dit : « Cet homme était adoré par son peuple, nous n’avons jamais vu cela. »
Mais à peine une semaine après, le 3 avril 1984, lorsque l’armée a pris le pouvoir, avant même que certains journalistes n’aient quitté le pays, ils ont vu ce même peuple danser de joie, crier pour la liberté retrouvée, et qualifier Sékou Touré de dictateur impitoyable. Les journalistes étaient choqués et se demandaient : « Mais quel peuple abrite donc la Guinée ? » Finalement, beaucoup ont conclu que le président Ahmed Sékou Touré était plus craint qu’aimé.
Ceci nous rappelle une vérité : 𝐥𝐞 𝐟𝐮𝐭𝐮𝐫 𝐝’𝐮𝐧 𝐝𝐢𝐫𝐢𝐠𝐞𝐚𝐧𝐭 𝐝é𝐩𝐞𝐧𝐝 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐦𝐚𝐧𝐢è𝐫𝐞 𝐝𝐨𝐧𝐭 𝐢𝐥 𝐧é𝐠𝐨𝐜𝐢𝐞 𝐬𝐨𝐧 𝐩𝐚𝐬𝐬𝐚𝐠𝐞 𝐚𝐮 𝐩𝐨𝐮𝐯𝐨𝐢𝐫. Un bon dirigeant doit savoir à quel moment quitter, surtout lorsqu’il a fait des promesses. Les applaudissements du peuple ne sont pas toujours une preuve d’adhésion sincère, mais parfois simplement une expression de survie.
Le président du MoDeL, Aliou Bah, est en prison depuis son arrestation en décembre 2024 suivie de sa condamnation le 7 janvier dernier par le tribunal de première instance, un verdict confirmé le 28 mai 2025 par la Cour d’appel pour “diffamation et offense au chef de l’État”. Quelles nouvelles avez-vous aujourd’hui de votre leader ?
Oui, il est en prison depuis le 26 Décembre 2024, mais malgré cette épreuve, M. Aliou Bah reste digne, lucide et résilient. Il garde la foi, convaincu que cette situation finira par être corrigée. Il n’éprouve aucune haine, considérant que chacun joue simplement son rôle dans son destin. Sur le plan moral, il demeure solide et inspirant, et nous restons confiants quant à son prochain retour parmi nous.
Où en est la procédure au niveau de la Cour suprême et de la Cour de justice de la CEDEAO ?
Au niveau de la Cour suprême, la procédure suit son cours, et nous espérons une décision qui rétablira le droit. Quant à la Cour de justice de la CEDEAO, nous avons introduit un recours, convaincus que cette juridiction régionale saura trancher en toute indépendance et dans le respect des principes de justice.
Sans son leader, le MoDeL envisage-t-il malgré tout de présenter un candidat à la présidentielle de décembre 2025 ?
Nous pensons que notre leader, Aliou Bah, sera libéré, et c’est lui qui sera notre candidat. Ce pays a besoin d’apaisement, et Aliou Bah a toujours été l’un des acteurs clés capables de jouer ce rôle. Le MoDeL reste une organisation structurée, bâtie sur une vision collective, mais nous croyons fermement que sa présence est indispensable pour porter l’espoir de millions de Guinéens.
Certains se demandent si le MoDeL, sans son leader, pourrait recréer un scénario similaire à celui du Pastef, où Bassirou Diomaye Faye a été porté au pouvoir à la place d’Ousmane Sonko. Quelle est votre analyse ?
Chaque pays a son contexte. La Guinée n’est pas le Sénégal, mais une chose est certaine : les peuples savent reconnaître leurs leaders sincères et porteurs d’espérance. Le MoDeL est un parti solide, avec une vision claire, mais nous croyons que l’engagement direct d’Aliou Bah reste essentiel. Le parallèle avec le Sénégal montre simplement que lorsque la justice est perçue comme injuste, ce sont les peuples eux-mêmes qui finissent par trancher.
Comment le MoDeL envisage-t-il son avenir pour les prochaines échéances électorales ?
Notre avenir repose sur trois piliers : la résilience, la mobilisation citoyenne et la foi dans la démocratie. Nous allons continuer à défendre nos valeurs, à mobiliser notre base et à préparer l’avenir avec confiance. Le MoDeL est une force politique d’avenir, et avec notre leader Aliou Bah, nous serons prêts à jouer pleinement notre rôle dans la construction d’une Guinée apaisée, démocratique et prospère.
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