Tribune : De la réparation du passif humanitaire en Guinée (Dr Thierno Souleymane BARRY)

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Fin septembre 2023, tenue d’un atelier sur les réparations en matière des droits de l’homme en Guinée, sous l’égide du Ministère de la justice et des droits de l’homme. Au retour des vacances judiciaires et académiques, votre tribune saisit cette opportunité pour revenir sur l’importante question du droit à la réparation en matière de violation des droits de l’homme en Guinée, particulièrement les réparations concernant le lourd passif humanitaire des différents régimes qui se sont succédés en Guinée. Ainsi, verrons-nous tour à tour du droit à la réparation en matière de violations des droits de l’homme et de sa nature ainsi que du cas particulier de la Guinée.

 I-Du droit à la réparation en matière de violation des droits de l’homme

Toute victime des violations des droits de l’homme a non seulement droit à un recours effectif et à une réparation adéquate. « Le but d’une réparation adéquate, effective et rapide est de promouvoir la justice en remédiant aux violations fragrantes du droit international des droits de l’homme ou aux violations graves du droit international humanitaire. La réparation devrait être à la mesure de la gravité de la violation et du préjudice subi. » indiquent Les Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire, adoptés par les Nations Unies. Ces principes sont un condensé des dispositions figurant dans divers instruments de protection des droits de l’homme permettant de rendre justice aux victimes des violations des droits de l’homme en matière de réparation.

 II-De la nature des réparations des violations des droits de l’homme

Les violations des droits de l’homme sont souvent des violations de masse ayant un caractère individuel et collectif, en ce sens qu’elles touchent tant à l’individu pris isolément qu’à l’ensemble de la société dans son entièreté. La réparation doit couvrir ces deux volets. En sus des réparations individuelles comme la réhabilitation, la restitution ou l’allocation d’indemnités, il importe de considérer des réparations collectives en faveur de la société impactée comme la réhabilitation des infrastructures socioéconomiques, l’allocation des moyens de subsistance ou l’adoption de normes mémorielles. Les réparations peuvent être de nature purement administrative dans le cadre d’une politique de réconciliation nationale, tout comme elles peuvent intervenir à l’issue d’un processus judiciaire engagé au plan interne ou dans le cadre de mécanismes sous régionaux, régionaux ou universels des droits de l’homme (Cour de justice de la CEDEAO, Commission et Cour africaine des droits de l’homme, Comité des droits de l’homme de Nations Unies,  ….).

 III-Du cas particulier de la réparation du passif humanitaire en Guinée

Dans les conditions idéales, l’appréhension de notre lourd passif humanitaire – entendre ici toutes les formes de violations de masse des droits de l’homme en Guinée depuis 1958 – devrait intervenir dans le cadre d’un processus de justice transitionnelle avec un encadrement légal, une instance Justice-Vérité-Réparation et des règles procédurales bien définies. En raison des prescriptions en droit pénal interne et de compétence de la justice pénale internationale – CPI notamment, certaines violations des droits de l’homme des régimes précédents (les victimes de divers complots, le cas des victimes du Camp Boiro, les massacres de 1985, …) peuvent emprunter avec satisfaction la voie de la réparation issue du processus de justice transitionnelle. Ainsi, pour les réparations individuelles, on pourrait penser aux restitutions des biens saisis, les indemnisations et l’identification des charniers. Les réparations collectives prendront la forme de la reconnaissance de la responsabilité de l’Etat des violations des droits de l’homme par les plus hautes instances du pays suivie de demande de pardon, l’érection des lieux de mémoire pour restituer les faits et éviter l’oubli, l’adoption des lois de réhabilitation des victimes injustement condamnées et des lois favorisant la non répétition. En outre, il s’agira pour l’Etat de mettre en œuvre toutes les réparations des droits de l’homme résultant des décisions tant des juridictions nationales qu’internationales pour marquer son engagement au respect des droits de victimes à la réparation.

Conakry, le 12 octobre 2023

 Juris Guineensis No 54

Me Thierno Souleymane BARRY, Ph.D

Docteur en droit, Université de Sherbrooke/Université Laval (Canada)

Professeur de droit, Consultant et Avocat à la Cour

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