Nous voici à jamais privé de cet homme dont le sourire caractéristique dévoilait des dents d’une blancheur immaculée que mettait en relief un teint toujours d’une rare fraîcheur suggérant une jeunesse qui résiste au temps. Et pour cause, il s’est éteint ce 25 décembre 2020 dans un hôpital parisien, sous l’attention impuissante de sa digne épouse Astan Traoré Cisse .
Lui, C’est Soumaila Cisse, le leader incontesté de l’opposition malienne depuis près de deux décennies et ancien Président de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA). Le Mali et l’Afrique vont accompagner ce grand homme politique en ce vendredi 1 janvier 2021 à sa dernière demeure , juste quelques mois après deux autres figures de proue de la scène politique malienne, à savoir les anciens présidents Moussa Traoré et Amadou Toumani Touré que leur peuple est loin d’avoir fini de pleurer.
Des destins différents pour trois hommes que Dieu l’insondable a décidé de rappeler à Lui pour clore une année à nulle autre pareille par ses rebondissements et ses épreuves !
Si les deux premiers avaient connu la joie de l’exercice du pouvoir avant d’en faire les frais dans des conditions de stoicité différentes, tel n’a pas été le cas de Soumaila Cisse qui s’était engagé dans une voie de conquête du pouvoir avec la conviction qu’elle serait longue, ingrate, parfois introuvable , mais toujours animé de la foi inébranlable que cette quête du pouvoir ne saurait se faire en déchirant son pays.
Je me souviens ainsi de lui me disant à Niamey, en avril 2019, en marge de l’investiture du Candidat Mohamed Bazoum, qu’il n’accepterait jamais de cautionner le chien lit dans son pays, sous prétexte que des suffrages lui avaient été dérobés. Il justifiait ainsi les réponses positives qu’il donnait à toute initiative qu’il trouvait utile pour faire avancer la construction de la démocratie et de la concorde dans son pays et au-delà.
Ce faisant, il était convaincu que le temps lui donnerait l’opportunité d’officier aux destinées de son Mali meurtri, en dépit du fait que certains pensaient que originaire du Nord, il aurait du mal à sortir victorieux d’un scrutin présidentiel. C’est d’ailleurs ce qui l’amena, après son troisième échec à l’élection présidentielle de 2018, à s’engager une deuxième fois dans les élections législatives de mars 2020 pour aller battre campagne dans la zone inhospitalière de Niafounké, sans une escorte digne de ce nom.
Il y fut victime le 25 mars 2020 de la toute première expérience de kidnapping politique dans la région, rappelant ainsi les pratiques obscures connues en Colombie et ailleurs en Amérique Latine.
Il fut certes réélu comme député sous la bannière de son emblématique parti politique l’URD, pendant qu’il était en détention dans cette région isolée du Nord Mali mais demeura aux mains de ses ravisseurs pendant près de 6 mois, malgré les initiatives discrètes et soutenues de l’équipe ad hoc dirigée bénévolement par l’ancien PM Ousmane Issoufi Maiga, sur les instructions, il faut le reconnaître du Président IBK.
Sa libération intervenue le 8 octobre 2020 sous les auspices de la Transition fut un grand soulagement et souleva un vent d’espoir pour voir enfin arriver l’heure de Soumi Champion au terme des joutes électorales prévues dans 16 mois.
Hélas! Mille fois hélas! Le destin de celui que l’on imaginait incarner bientôt un nouveau style de gouvernement basé sur le rejet de tout ce qu’il avait dénoncé, rejeté et combattu, ce destin dont on commençait déjà à dessiner les contours avec certitude prit la tournure d’un testament qui devra éclairer toute la famille politique du Mali. Ce pays pétri de valeur qui se trouve à la croisée des chemins et qui a tant donné à notre région et à l’Afrique entière se devra de bien revisiter ce testament pour doter le Mali d’institutions nouvelles respectables, animées par des femmes et des hommes dont la seule référence devra être uniquement de servir sans rien attendre en retour.
Je formule le vœu qu’il en soit ainsi pour que sa digne épouse Astan, leurs enfants, son parti Union pour le Rassemblement pour la République et la Démocratie ( URD) , l’Internationale Libérale dont il fut un pilier , le peuple malien et les innombrables admirateurs de l’illustre disparu à travers le monde puissent conjuguer la disparition de l’affable Soumaila avec l’avènement d’une vraie renaissance de son Mali qu’il a tant aimé et si bien servi.
Kabine Komara
Ancien Premier Ministre de Guinée