Thierno Monenembo répond l’ambassadeur de la Russie en Guinée

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La Russie est un pays que je connais bien et que j’aime beaucoup. C’est le pays du caviar et de la vodka, du bortch et de l’hydromel. C’est le pays de Pouchkine et de Gogol, de Tolstoï et de Tourgueniev. Malheureusement, c’est aussi le pays d’un certain Brégaszé.

Je suppose que vous ne savez pas qui c’est, Brégaszé. Eh bien, moi non plus jusqu’à ce que je lise ceci (qui m’a beaucoup choqué) sur le Net : «Il faut (c’est moi qui souligne) que l’opposition soit plus responsable. Si vous appelez les gens à manifester, c’est vous qui êtes responsable de leur sécurité au moment de la manifestation. »

Alexandre Brégaszé est paraît-il l’ambassadeur de Russie en Guinée. Ou plutôt, l’ambassadeur d’Alpha Condé auprès de lui-même tant ses propos rappellent les courtisans du fama qui nous casse les brunes.

Propos d’ambassadeur ou propos de lèche–bottes ?

Et d’abord, à qui s’adresse-t-il ? A l’opposition guinéenne. En a-t-il seulement le droit ? De quoi se mêle-t-il, nom d’une pipe de cosaque ? Ce monsieur sait- il seulement ce que le mot ambassadeur veut dire ?

Un ambassadeur, un vrai, ne se mêle jamais des affaires intérieures d’un pays. Il n’a le droit de critiquer ni le pouvoir ni l’opposition. A-t-on besoin de vous rappeler ce principe élémentaire, Monsieur Brégaszé ?

Je croyais naïvement que la courtoise et la discrétion constituaient la marque de fabrique du diplomate de qualité. Mais bon, nous sommes en 2018 une misérable époque où tout fout le camp même les bonnes manières des boyards et des lords…

Vous l’avez remarqué ? C’est sur ce ton-là que Pierre le grand, tsar de toutes les Russies s’adressait à ses moujiks. Le « il faut » est impérial. Notre opposition nationale est sommée de s’exécuter dare-dare au risque de subir le goulag ou la pendaison.

Vous l’avez remarqué ? Notre bonhomme de Sibérie prend pour lui tous les boniments des extrémistes du RPG. Lisez plutôt :

« Les provocateurs, ceux qui jettent des pierres, détruisent des magasins, détruisent des voitures et qui détruisent les biens des autres, ce n’est pas bon ça. Et surtout, il ne faut pas appeler telle ou telle manifestation ville-morte, ça attire toujours la mort. Pourquoi ville-morte ? Ville paisible, ville apaisée, ville de paix c’est surtout la paix, pas de morts, pas de ville-morte. Pour l’avenir si l’opposition veut encore faire des manifestations, qu’elle n’appelle plus leurs manifestations ville- morte. Ça il faut exclure ça », affirme-t-il plus loin.
Mais bien sûr, Monsieur Brézasgué, c’est l’opposition, le bourreau ; c’est le pouvoir, la victime. Marcher est strictement interdit par la constitution ; c’est tirer à balles réelles sur des paisibles citoyens qui est permis. Monsieur Alpha Condé tout comme Ivan le terrible a droit de vie et de mort sur ses concitoyens. Et d’ailleurs, il sait fort bien en user. Et tant que ce sont des individus comme vous qui veilleront sur la morale internationale, il n’a pas à s’inquiéter.

Sans blague, Monsieur, votre place n’est pas dans une ambassade fût- elle de Russie ou du Kazakhstan. Je vous vois plutôt garde de corps du ci-devant président ou homme de main de son parti.

Et c’est bien dommage, car vous représentez un pays qui, à juste titre, jouit plutôt d’une bonne presse en Afrique. Aucun différent historique ne nous oppose. La Russie n’a colonisé aucun pays africain. Elle n’a pas participé à la honteuse traite des Nègres.

Elle a (dans le cadre de l’URSS tout au moins) ardemment soutenu nos indépendances et lutté sans relâche contre l’abominable système de l’apartheid. A priori, rien ne s’oppose à une coopération fructueuse et loyale entre nos pays.
Seul, un individu comme vous pourrait la contre-carrer par son inexpérience et ses maladresses.
Tierno Monénembo

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